Une pollution au perchlorate d'ammonium a entraîné l'arrêt du quart des sites de captage d'eau alimentant l'agglomération bordelaise. Depuis le 1er juillet, des mesures de confinement des cinq sites de captage concernés ont été prises, suite à une réunion d'urgence à la préfecture de la Gironde.
Des recherches ont été lancées afin de filtrer l'eau et d'accélérer la dissolution du produit. Une opération qui pourrait prendre plusieurs années, a indiqué la Lyonnaise des Eaux.
"Nous distribuons une eau conforme à la norme"
La santé des habitants de l'agglomération de Bordeaux n'est pas menacée, rassure toutefoix Antoine Bousseau, directeur régional de la Lyonnaise des Eaux. "Depuis début juillet, nous distribuons une eau qui est complètement conforme à la norme que vient de sortir le ministère de la Santé", assure-t-il.
Antoine Bousseau affirme que le taux de produits polluants contenus dans l'eau actuellement distribuée est quatre fois inférieur à la nouvelle norme. Soit 4 microgrammes par litre, alors que le maximum autorisé est désormais de 15 microgrammes. Le taux détecté à Bordeaux avant l'arrêt des captages était de 30 microgrammes par litre, selon Benoît Hartmann, porte-parole de France Nature Environnement, invité d’Europe 1 jeudi.
La France est le premier pays européen, jeudi, à fixer des normes de toxicité concernant ce produit. Ce qui explique ces premiers contrôles réalisés à Bordeaux.
Un produit "très toxique"
Benoît Hartmann a indiqué sur Europe 1 que l’origine de ce déversement de perchlorate d’ammonium était connue : il s’agit d’une usine qui fabriquait des propulseurs pour des fusées et des missiles. Ce produit, "très toxique", est explosif à haute température, mais se décompose simplement en chlore lorsqu’il est légèrement chauffé.
Il estime qu’il existe "des raisons de s’inquiéter", car ce produit est "un pertubateur du bon fonctionnement de la thyroïde. Si vous en prenez de trop grosses quantités, vous risquez d’être hypothyroïdien". C'est-à-dire que la thyroïde ne "fixe" plus l’iode dans le corps. En résulte une carence sévère, et donc une grande fatigue.
Le perchlorate d'ammonium découvert dans des sources de captage d'eau potable à Bordeaux n'est ni cancérigène, ni mutagène, a précisé mercredi l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses).
Le double du seuil autorisé
Ces contrôles surviennent un peu tard, juge Benoît Hartmann, qui estime que le perchlorate d’ammonium aurait dû être considéré comme toxique depuis longtemps. Il s’inquiète des contaminations antérieures aux premiers contrôles réalisés en France.
Jusqu’alors, les autorités n’étaient pas tenues de rechercher des traces de ce produit. Benoît Hartmann évoque d’ailleurs un précédent à Toulouse. Une entreprise de distribution d’eau, poursuivie à cause de traces importantes de perchlorate d’ammonium, serait parvenue à casser le jugement, arguant que le produit n’était alors pas considéré comme toxique.
"Ce qui est inquiétant", poursuit Benoît Hartmann, "c’est qu’on ne sait pas nettoyer ce produit". La dissolution n’est pas une solution satisfaisante, explique-t-il. Seul un confinement en amont peut garantir la propreté de l’eau.
D’autres foyers de contamination ?
Un tel scénario peut-il se répéter ailleurs en France ? "Comme on ne contrôle que ce qu’on cherche, on va forcément trouver d’autres endroits avec cette contamination", estime le porte-parole de France Nature Environnement.
En cas de grande fatigue, il est possible de procéder à des prélèvements chez un médecin, pour contrôler le niveau de ce produit.
Une consommation "sans risque", affirme le préfet
Le préfet de Gironde, Patrick Stefanini, a réagi en annonçant jeudi que "l'eau du robinet peut être consommée sans risque par l'ensemble de la population", y compris les nourrissons.
Selon un nouveau contrôle mené par l'Agence régionale de santé (ARS) d'Aquitaine, les eaux de l'agglomération de bordelaise contiendraient moins de 4 microgrammes de perchlorate par litre.
Patrick Stefanini prévoit un arrêté "imposant à l'industriel de réaliser dans un délai de huit mois un diagnostic complet de son site et de son environnement géologique" afin d'établir "un schéma précis entre source de pollution et voies de transferts". Un deuxième arrêté est prévu. Il devrait contraindre le site industriel incriminé, qui recycle 80% de ses rejets dans une station de traitement, d'en "traiter 100% d'ici la fin de l'année".