Il avait tiré la sonnette d'alarme… deux ans avant le drame. Christian Brochet, un retraité de 77 ans qui a dirigé pendant quinze ans une entreprise sous-traitante de la SNCF, avait adressé à l'entreprise ferroviaire une lettre dénonçant le mauvais entretien des voies de la gare de Brétigny-sur-Orge, selon Le Parisien. Un courrier envoyé le 25 novembre 2010, soit deux ans et sept moi avant l'effroyable accident ferroviaire dans lequel six personnes ont perdu la vie.
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"Que penser du reste du réseau ?" "Monsieur, j’emprunte assez fréquemment le RER en gare de Brétigny. Donc, je prends le train habituellement sur le quai de la voie 2 (l'accident a eu lieu sur la voie 1, ndlr), et l’autre jour, quelle ne fut pas ma stupeur, en regardant les rails, de constater 36 anomalies liées à la fixation du rail le plus proche de moi", indiquait-il dans un courrier prémonitoire dont Le Parisien a eu accès.
Dans son courrier, l'homme qui vit à Brétigny depuis près de 50 ans, estime que l'entretien des voies est défaillant. Selon lui, sur environ 100 mètres, une trentaine de grosses vis sont desserrées, voire absentes. "Alors ? Où est l’entretien qui doit assurer un bon service et la sécurité ? Ce que j’ai vu n’est qu’une petite portion de voie. Que penser du reste du réseau ?", questionne ainsi le septuagénaire.
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"Il n’y a aucun risque de sécurité". Ce n'est que trois mois plus tard, c'est-à-dire le 15 février 2011, que le retraité reçoit une réponse de la SNCF. "Je tiens à vous assurer qu’il n’y a aucun défaut d’entretien sur cette zone. Cet état est connu, surveillé et respecte toutes nos normes : il n’y a aucun risque de sécurité", écrit la compagnie ferroviaire. Si la SNCF assure qu'il n'y a pas de risque, elle précise toutefois dans son courrier qu’une "intervention a été programmée pour rétablir l’efficacité des attaches". Des travaux ont d'ailleurs été réalisés fin juin sur la voie 2 de la garde de Brétigny-sur-Orge.
"Il y a eu négligence". Mais pour ce spécialiste de l'industrie mécanique, la réponse de la SNCF est un véritable désaveu. "La lettre de la SNCF prouve qu’elle savait que cette voie était en mauvais état. Le manque de maintenance était visible comme le nez au milieu de la figure. Je connais l’exigence de la SNCF sur la qualité des pièces métalliques qu’elle commande. A l’époque, les produits étaient régulièrement et minutieusement contrôlés en laboratoire. Pour moi, s’il y a eu défaillance, il faut regarder du côté de la maintenance des voies. Il y a eu négligence et le courrier de la SNCF montre que c’était même assumé", estime Christian Brochet interrogé par Le Parisien.
Des équipements dans les normes selon la SNCF. Estimant la réponse de la SNCF insuffisante, Christian Brochet avait adressé, le 25 février 2011, un second courrier dans lequel il témoignait son étonnement, qui sonnait comme une prémonition : "L’absence constatée de ces fixations constitue une faute grave et peut mener à une catastrophe." Forcée de s'expliquer, la SNCF maintient sa version datant de 2011 et explique au Parisien que les grosses vis qui permettent de fixer le rail sur la traverse étaient en nombre suffisant. Christian Brochet avait en effet constaté 11% d'équipements inefficaces, or, la norme imposant une intervention immédiate est de 30%.