DEAL - A l'heure où les Cannabis social club (des groupements de fumeurs-producteurs prônant la dépénalisation) se développent en France, les acheteurs de drogue pris sur le fait seront-ils bientôt sanctionnés d'une amende ? Cette mesure, déjà testée en Seine-Saint-Denis ou à Marseille, est devenue la nouvelle marotte de Manuel Valls en termes de lutte contre les trafics de stupéfiants dans les cités. Sur le terrain, le dispositif est déjà plébiscité par les forces de l'ordre.
Une amende "comme" dans le métro. Manuel Valls a pu apprécier l'efficacité de cette expérience mercredi dernier. Le ministre de l'Intérieur était en visite dans la zone de sécurité prioritaire (ZSP) mise en place dans un quartier sensible de Pantin, en Seine-Saint-Denis, pour lutter contre la délinquance et les trafics de drogue. Accompagnés du préfet et de la procureur, les policiers lui ont détaillé comment ils ont décidé de frapper au portefeuille les consommateurs qui viennent s'approvisionner en stupéfiants dans les cités du "93". Pris sur le fait, ces derniers doivent en effet payer sur le champ une amende, expliquent les policiers, comme un simple usager pris en défaut de ticket dans le métro. Au besoin, on les accompagne au distributeur de billets le plus proche. Manuel Valls insiste sur ce moyen de lutte contre les trafics qui, dit-il, "gangrènent les quartiers". Dès le lendemain, sur un plateau de télévision, il a annoncé sa volonté de "généraliser" l'expérience, qui fonctionne également à Marseille et à Amiens dans d'autres ZSP.
La police et les douanes mobilisées. En Seine-Saint-Denis, explique de son côté la procureure de Bobigny, Sylvie Moisson, le dispositif s'inscrit depuis septembre dernier dans une logique d'efforts conjoints entre police et les douanes contre les "acheteurs". "Les douanes ont cette possibilité d'une grande efficacité (qui est) d'appliquer une transaction avec l'accord du procureur", note la magistrate. En clair, dresser une amende au consommateur de "pétard", alors que les trafiquants étaient jusque-là ceux dans le collimateur. "Ce qui éteint les poursuites pénales jusqu'à un certain seuil". Les acheteurs payent une amende proportionnelle à la quantité saisie. Ces derniers viennent "des beaux quartiers" parisiens s'approvisionner dans ce département où il y a quatre ZSP, regrette la magistrate. Un trafic organisé en "points de deal" où les acheteurs viennent s'approvisionner "en petites quantités". "Ce qui perturbe la vie des immeubles", précise-t-elle.
100 à 150 euros d'amende. Quelque 26.000 euros ont été recueillis depuis la mise en place de cette expérience novatrice, soit 100 à 150 euros par acheteur contrevenant. Une mesure qui dissuade les acheteurs, selon le préfet de Seine-Saint-Denis, Christian Lambert, et qui permet de se concentrer sur le trafic en amont, qui vient des Pays-Bas. En 2010, il y a eu plus de 122.000 interpellations pour usage simple de cannabis, selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT). Plus de 150.000 personnes ont été mises en cause, en 2011, pour usage de stupéfiants, toutes drogues confondues, selon l'Office central des stupéfiants (OCRTIS). La justice a prononcé la même année plus de 45.500 condamnations pour ce motif dont une grande majorité concerne le cannabis. De quoi faire rentrer aussi de l'argent dans les caisses.