L’info. L’édition 2013 du classement Pisa rendue publique mardi a confirmé le décrochage du modèle éducatif français vis-à-vis des autres pays développés. Et que le système français est devenu particulièrement inégalitaire et handicapé par son immobilisme, comme le souligne L'Observatoire des inégalités. Mais ce classement reste décrié, et pas que pour ses résultats négatifs pour la France. Passage en revue des arguments pro et anti-Pisa.
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LES ARGUMENTS EN FAVEUR DU CLASSEMENT PISA
Un observateur extérieur pour sortir de "l’entre soi". Le classement Pisa est l’un des rares moments où l’évaluation de notre système éducatif n’est pas effectuée par des enseignants français. Il permet de donc de sortir des logiques de corps et d’apporter un éclairage totalement extérieur. "A la suite du rapport Pisa en 2000, l'Allemagne a pris des mesures draconiennes, fait des efforts surhumains et, justement, elle est en train de rattraper son retard. Nous, on fait comme si le rapport Pisa n’existait pas. On fait l'autruche : on ne veut rien voir, rien comprendre et ne rien faire. L’immobilisme et le laxisme minent la société française depuis des années", a regretté Dimitri Casali, historien et spécialiste de l’enseignement de l’Histoire, lundi matin sur Europe 1.
Un classement qui facilite les réformes. En invoquant une étude internationale comme celle de l’OCDE, un gouvernement peut souligner que la réforme qu’il prépare n’est pas partisane mais basée sur une étude chiffrée et normée. Ce que les ministres de l’Education nationale n’hésitent pas à faire, comme le soulignent Pierre Champollion et Angela Barthes dans le n°16 de la revue spécialisée Questions vives. "Les différents classements par rang, qui n’ont pas grande signification statistique, sont de plus en plus mis à contribution par les responsables de l’éducation, en France notamment, pour tenter de légitimer, en s’appuyant sur les supposés mauvais résultats de PISA très médiatisés, des réformes éducatives locales."
Il met en lumière les limites de la pédagogie française. Lorsqu’il pointe, année après année, de mauvais résultats dans certains exercices, "Pisa permet une véritable réflexion sur notre système éducatif (…) en suscitant même un questionnement sur nos pratiques d'enseignement", souligne la revue Les dossiers de l’Education nationale, publié en mars 2007 par le ministère. "Les résultats de PISA 2000 ont ainsi montré la difficulté de nos élèves, à rédiger des réponses longues, ou encore à donner leur opinion lorsqu'elle leur est demandée (forts taux d'abstention). Ces constats ont fait naître des hypothèses, portant à la fois sur les compétences travaillées dans l'enseignement du français (nécessité d'approfondir le travail sur l'expression écrite) et sur les comportements des élèves (peur de se tromper qui incite à ne pas répondre)".
Un intérêt pour comparer la France dans le temps. Tous les trois ans, l’OCDE offre une photographie datée de notre système scolaire, permettant ainsi de réaliser une comparaison dans le temps. On voit ainsi les résultats de la France se détériorer au fur et à mesure mais pas seulement : l’écart entre les bons et les mauvais élèves ne cesse de grandir, confirmant que désormais l’école renforce plus les inégalités sociales qu’elle ne les corrige. Ce qui a permis au ministre Vincent Peillon d’annoncer, fin octobre, que Pisa révèlerait que les "écarts" en France entre les élèves qui réussissent et ceux qui sont en grande difficulté s'étaient "accrus dans des proportions qui sont inacceptables".
LES ARGUMENTS CONTRE LE CLASSEMENT PISA
Tout n’est pas comparable. "On ne peut pas comparer un pays comme la Finlande de 5 millions d'habitants, qui est effectivement troisième ou quatrième, avec la France, 65 à 66 millions d’habitants et une population très hétérogène. C'est plus complexe chez nous", a souligné Dimitri Casali, historien et spécialiste de l’enseignement de l’Histoire, lundi matin sur Europe 1.
Un classement qui a peu de sens. Que la France soit à la 12e ou la 19e place n’a pas grand sens, et pour cause : ce classement prévoit une marge d’erreur de 5 points et beaucoup de pays ont des résultats très proches. "L'habitude médiatique consistant à assigner une position déterminée à un pays dans le classement Pisa constitue donc une absurdité du point de vue statistique", souligne Julien Grenet, interrogé par le site spécialisé Veille-Education. "Dans l'enquête Pisa, les scores moyens d'un pays sont en général affectés d'une marge d'erreur de plus ou moins cinq points. Dans le domaine de la compréhension de l'écrit en 2006, la performance française n'est pas significativement différente de la performance de 13 pays sur 55!"
Il ignore des spécificités du modèle français. "Dans l’évaluation PISA, certaines compétences ne sont pas évaluées alors qu’elles sont considérées fondamentales dans l’enseignement des mathématiques en France et nécessaires pour la poursuite d’études. Il s’agit par exemple de l’algèbre et du calcul, du raisonnement sur des situations géométriques utilisant certains théorèmes emblématiques ou certaines transformations. Ces points qui représentent environ 40% de l’enseignement des mathématiques en France sont totalement absents de l’évaluation PISA", souligne le n°190 des Dossiers de l’Education nationale, publié en mars 2007 par le ministère.
Et contribue à l’émergence d’un modèle unique. Pire, tout en négligeant les spécificités françaises, ce classement vante un ou deux modèles et contribue ainsi à homogénéiser les systèmes éducatifs. "Les pays sont invités à se mesurer les uns aux autres et à réformer leur système éducatif à la lumière de leurs performances respectives. Ils adoptent progressivement des conceptions communes en matière d'objectifs éducatifs et de solutions à adopter. Ils tendent à s'aligner sur des pratiques développées à l’étranger, sans examen approfondi des contextes. Un processus endogène de fabrication d’une orthodoxie éducative s’est ainsi développé, sans rationalité véritable", dénonce la sociologue Nathalie Bulle, directrice de recherche au CNRS, dans un long article publié sur le blog spécialisé Skhole.fr.