La Cour de justice de la République (CJR) a décidé vendredi qu’elle rendrait le 8 juillet prochain une décision sur l’ouverture d’une enquête sur le rôle exact de Christine Lagarde pour abus d’autorité, dans le cadre de l’affaire dite du Lyonnais. Une occasion de se replonger dans un dossier relativement noueux, vieux de plus de quinze ans.
La revente d’Adidas en cause
La genèse de l’affaire dite "du Lyonnais" remonte à février 1993, date de la revente de l’équipementier sportif Adidas par le Crédit Lyonnais. Devenu ministre, l’homme d’affaires Bernard Tapie organise à la hâte la vente d’Adidas, qui constitue l’actif le plus important du groupe Tapie.
Bernard Tapie fixe alors un prix minimum au Crédit Lyonnais pour la vente, à 2,085 milliards de francs. Adidas est revendu pour 85 millions de francs à un groupe d’investisseurs emmenés par Robert Louis-Dreyfus et dans lequel figure une filiale de la banque. Bernard Tapie ne conteste pas la vente et empoche le montant minimum qu’il avait fixé.
Or, à la fin de l’année 1994, Robert Louis-Dreyfus prend le contrôle d’Adidas, dont il rachète l’ensemble des parts pour 701 millions d’euros, soit près de deux fois le prix qu’en avait tiré Bernard Tapie.
Le temps de la faillite
Jusqu’en 1994, personne n’entend plus parler de cette vente. Mais "l’affaire" prend une nouvelle tournure quand le groupe de Bernard Tapie est en liquidation, et que l’homme d’affaire fait face à sa propre faillite.
C’est alors que Bernard Tapie s’intéresse de nouveau aux conditions de la revente d’Adidas et constate que le Crédit Lyonnais a touché 2,6 milliards de francs de plus-value sur l’opération.
Soupçonnant la banque publique de l’avoir floué, Bernard Tapie assigne l’établissement devant le Tribunal de commerce de Paris en juillet 1995. Il réclame alors 229 millions d'euros au Crédit lyonnais ainsi qu'au Consortium de réalisation (CDR), structure créée par l'État en 1995 pour liquider le passif du Crédit lyonnais après sa quasi-faillite de 1993-1994.
Après 15 ans de bataille judiciaire, Bernard Tapie obtient gain de cause en 2008. Au terme d’une procédure d’arbitrage, le tribunal condamne le consortium de réalisation (CDR), société chargée de la gestion du passif du Crédit Lyonnais, à verser 285 millions d'euros au groupe et aux époux Tapie.
La tournure politique de l’affaire Tapie
L’affaire du Lyonnais a ressurgi en 2010. Les députés socialistes reprochent à Christine Lagarde de ne pas avoir eu recours à la cour d’appel de Paris pour régler. L’affaire a en effet été tranchée devant un tribunal arbitral, une juridiction privée. Dans un rapport début avril, la Cour des comptes avait également critiqué cette procédure d’arbitrage.
Les élus de gauche considèrent qu’il s’agissait d’un choix stratégique, une faveur politique visant à donner l’avantage à l’ancien d’homme d’affaires, qui avait fait campagne en faveur de Nicolas Sarkozy en 2007.
Les scénarios possibles
Si la CJR accepte la demande du procureur, une commission d'instruction de trois magistrats devra enquêter. Le délit d’autorité est passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende. De quoi embarrasser la candidate à la direction du Fonds monétaire international, qui assure n’avoir rien à se reprocher.
Enfin, si une enquête débouchait sur la démonstration d'un délit, le chèque de 285 millions d’euros attribué à Bernard Tapie pourrait être remis en cause.