Cellules individuelles : une fenêtre de tir pour les détenus ?

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Le moratoire sur la loi pénitentiaire de 2009 qui rend obligatoire les cellules individuelles en prison a pris fin mardi. Doit-on s’attendre à de multiples recours contre l’administration pénitentiaire ?

L’info. Depuis mardi, la France est hors-la-loi. Le moratoire sur la loi pénitentiaire de 2009 qui oblige l’Etat à fournir des cellules individuelles aux détenus vient de prendre fin. Le principe n’est pas nouveau. Depuis 1875 en effet, la France est tenue d’offrir à ses détenus une cellule par personne. Une obligation rétirée en 2000 puis en 2009 mais jamais appliquée. En cause : la surpopulation carcérale. A l’heure actuelle, le parc pénitentiaire français compte 58.000 places pour plus de 66.000 détenus. Selon le Le Monde, il faudra attendre 2025 au moins pour que les détenus aient leur propre cellule. 

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L’administration pénitentiaire prise de court. Reconnaissant l’objectif impossible à atteindre, Christiane Taubira, la ministre de la Justice, avait proposé un nouveau moratoire jusqu’à décembre 2017 dans le projet de loi de finances. Refus net des députés, explicité par le rapport d’information de Jean-Jacques Urvoas, président PS de la commission des lois à l’Assemble, rendu public mardi. “Dans le ciel sombre de la prison française, l’incapacité de notre pays à appliquer un principe datant de 1875 occupe une large place”, commence ainsi le rapport. 

Une nouvelle date butoir. Pour autant, il semble inconcevable qu’un nouveau moratoire ne voie pas le jour. En témoigne la mission demandée par Manuel Valls au vice-président de la commission, Dominique Raimbourg, qui a jusqu’au 30 novembre pour trouver une solution. En attendant, et selon Le Monde, la Chancellerie a pris les devants et provisionné 20 millions d’euros par an en vue des dommages et intérêts réclamés par les détenus.

Les avocats dans les starting blocks ? Alors, faut-il s’attendre à des recours massifs des détenus contre l’Etat avant le début du probable nouveau moratoire? Certains avocats y pensent. C’est le cas de Maitre Etienne Noel, avocat au barreau de Rouen, spécialiste dans les condamnations de l’administration pénitentiaire. “Depuis hier, il y a une fenêtre de tir”, explique-t-il à Europe 1.”Je n’ai pas encore eu de demande particulière mais il n’est pas difficile d’en obtenir lorsqu’on informe nos clients”. 

Une fenêtre de tir...très théorique. Pour autant, cette fenêtre de tir - qui sera forcément étroite dans le temps avec l’arrivée du nouveau moratoire - reste très théorique. Plusieurs raisons à cela, selon Nicolas Ferran, responsable du pôle contentieux à l’Observatoire International des Prisons (OIP), contacté par Europe 1. La première concerne les détenus en maison d’arrêt, majoritairement touchés par l’encellulement collectif. Pour Nicolas Ferran, “ils ont autre chose à penser qu’à attaquer l’administration pénitentiaire lorsqu’ils sont en attente de leur procès”. Autre raison majeure : “il y a une forte réticence à attaquer l’administration pénitentaire. En 2013, il y a eu seulement 700 recours contre cette administration. Les détenus ont tout simplement peur des mesures de rétorsion”. Devant le tribunal administratif, les dommages et intérêts ne seront pas non plus extraordinaires, de l’ordre de 200 à 300 euros. 

De plus, l’administration a deux mois pour répondre à la demande d’un détenu : “dans deux mois, on aura le nouveau moratoire, c’est sûr”, explique Nicolas Ferran. Enfin, il y a le risque d’être éloigné de sa famille. Dans les prisons d’outre-mer qui sont parmi les plus peuplés de France, demander une cellule individuelle, c’est prendre le risque d’être envoyé en métropole. A des centaines de kilomètres de sa famille, donc.