Les habitants du vieux village de Roquebillière, dans les Alpes-Maritimes, ne veulent pas partir. En 1926, la localité a été ravagée par une coulée de boue qui avait fait à l’époque 19 morts. Le risque d’un glissement de terrain existe toujours et le ministère de l’Ecologie devait trancher mardi le sort des 250 habitants qui vivent toujours là. Avant eux, d'autres ont dû quitter un jour leur village.
A Tignes, en Savoie, le 24 avril 1952, c’est l’eau du nouveau barrage, dont la construction a été émaillée de sabotages, qui a englouti le village. Déménagement des meubles des habitants, des archives de la mairie et même des dépouilles enterrées dans le cimetière : le jour où les lieux sont finalement évacués, les CRS sont mobilisés pour décider les habitants récalcitrants. "Plusieurs ont perdu la tête après la noyade du village", raconte Fernand Favre, interrogé dans les colonnes de Libération.
"Désormais, Tignes est rayé de la carte de France" :
Un demi-siècle plus tard, "le discours sur le barrage a changé", note Cédric Broet, archiviste à Tignes, au micro d'Europe1.fr. "Pendant longtemps, on a insisté sur la spoliation des habitants, sur l'attachement à leur terre, sur leur résistance, sur l'unité de la communauté tignarde", explique-t-il. Mais "quand on se plonge dans les documents de l'époque, on voit que certains voyaient dans le barrage un moyen de se développer". Tignes, le nouveau village perché à 2.142 mètres d'altitude, compte aujourd'hui près de 30.000 lits pour accueillir des vacanciers. Qui sont peu nombreux à pousser la porte de la petite salle d'exposition consacrée à l'histoire de la localité.
En Champagne, le lac du Der-Chantecoq est aujourd’hui un lieu qui sert d’escale pour les oiseaux au cours de leur migration. Mais sous les eaux, dorment trois villages, Chantecoq, Champaubert-aux-Bois et Nuisement-aux-Bois, qui ont été rayés définitivement rayés de la carte le jour de l’inauguration officielle de ce lac-réservoir, le 3 janvier 1974.
"Évidemment, à l'époque, il y a eu beaucoup de résistance. Malgré cela, dès les années 1960, les expropriations ont commencé à se multiplier. Les maires ont eu beau se battre contre le projet, rien n'y a fait", déplore Christian Collot, président d’une association qui défend la mémoire des communes disparues, interrogé par le journal L’Union. Chaque année, des messes du souvenir sont organisées, pour les 345 habitants qui ont dû se réinstaller dans deux villages voisins.
Il ne reste que des ruines
En remontant encore un peu plus dans le temps, c’est la Première guerre mondiale qui a causé la disparition de plusieurs villages français, notamment dans l’Aisne ou la Marne. Sapigneul, le village de la famille de David Hugot, situé tout près du Chemin des Dames, a été détruit lors de la Grande guerre et jamais reconstruit.
"C'était un petit village rural dont il ne reste aujourd'hui qu'une seule photo d'avant-guerre. Mais en se promenant dans les bois de Sapigneul, on peut voir un pont, des ruines", raconte David Hugot. Ce passionné de généalogie de 37 ans a créé un blog pour collecter un maximum d'informations sur le sujet et surtout les mettre à la disposition d'autres descendants d'habitants de Sapigneul. Chaque année, une marche du souvenir est organisée à proximité de l'ancien village.