>> Mise à jour : la cour d'assises de Bursa a fixé au 19 novembre la prochaine audience du procès de Sevil Sevimli, sans toutefois l'autoriser à rentrer en France d'ici là. Au terme d'une première journée d'audience consacrée à la lecture de l'acte d'accusation et aux premières plaidoiries des avocats, les juges ont levé le contrôle judiciaire imposé à la jeune femme depuis sa remise en liberté le 6 août, lui permettant de fait de circuler librement en Turquie.
Elle a tout juste 20 ans et encourt 32 ans de prison. En partant, en janvier dernier, en échange Erasmus en Turquie, à l'université Anatolie d'Eskisehir à 300 kilomètres au sud-est d'Istanbul, Sevil Sevimli, étudiante en licence information-communication à l’université Lyon 2, n'imaginait pas être accusée quelques semaines plus tard de "liens avec une organisation terroriste".
Elle rêve de devenir journaliste
La jeune étudiante lyonnaise, qui rêve de devenir journaliste, est née en France de parents kurdes originaires de Turquie et installés à Belleville-sur-Saône près de Lyon.
Arrêtée en mai, à Eskisehir, dans le nord-ouest de la Turquie, elle sera jugée à partir de mercredi à Bursa pour ses liens supposés avec le Front révolutionnaire de libération du peuple (DHKP-C), une organisation d'extrême gauche proche de la cause kurde interdite en Turquie pour ses activités terroristes. "Avant d'entrer en prison, cette fille n'avait même pas entendu parler de l'organisation à laquelle on tente de la lier", s'indigne son avocat en exhortant la justice turque à ne pas "gâcher" la vie de sa cliente, venue dans le pays de ses parents dans le seul but de connaître sa culture d'origine".
Sur quelles bases la justice turque poursuit-elle la jeune femme ? Il est reproché à Sevil Sevimli d'avoir participé au défilé du 1er mai sur la place Taksim à Istanbul, pourtant tout à fait légal, d'avoir manifesté en faveur de la gratuité de l'éducation en Turquie et d'avoir assisté, avec des milliers d'autres, au concert du groupe de musique folklorique engagé à gauche et traqué par la justice.
"De gauche mais pas militante"
"C'est vraiment n'importe quoi", s'insurge la jeune Franco-Turque qui a été emprisonnée quelques mois avant d'être libérée en attendant le procès.
"C'est quelqu'un qui a des idées de gauche mais ce n'est pas une militante. Elle veut être journaliste et s'intéresse à tout", renchérit son amie Sinem Elmas, organisatrice d'une manifestation de soutien à Lyon en juin dernier.
Problème pour le Quai d'Orsay : la double nationalité n'est pas reconnue en Turquie. Pour les autorités locales, Sevil Sevimli n'est donc qu'une simple citoyenne turque. Or, au moins 700 étudiants turcs seraient, comme elle, aujourd'hui emprisonnés en Turquie pour leurs seuls liens avec l'extrême gauche.
Une étudiante "exemplaire"
La jeune femme peut compter sur une forte mobilisation : un comité de soutien avait lancé une pétition pour demander sa libération. Elle a recueilli près de 130.000 signatures. "Quel crime a commis Sevil Sevimli, M. Erdogan ?" interpellait aussi fin juin un éditorial du Monde adressé au Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan.
Et puis il y a ses proches : sa mère, son petit frère et sa soeur se sont immédiatement rendus en Turquie lorsqu'elle a été arrêtée.
A la veille de son procès, Sevil Sevimli espère d'abord obtenir des juges la levée de son interdiction de sortie du territoire turc. "Je suis inscrite dans un programme de maîtrise et je veux rentrer en France", insiste-t-elle.
Dans un communiqué paru lundi soir, le président de Lyon 2 a justement tenu à "témoigner de l'exemplarité du parcours d'études poursuivi par Sevil Sevimli".