Jeudi 8 janvier, les hommages au lendemain de la tuerie de Charlie Hebdo ont été mitigés dans les établissements scolaires. Le ministère rapporte un total de 200 incidents dans les écoles primaires, les collèges et les lycées. Iannis Roder est enseignant d'histoire-géographie dans un établissement de Seine-Saint-Denis depuis 17 ans. Interrogé par Europe 1, il dit s'être trouvé dans l'incompréhension face aux propos de certains de ses élèves de 3e et de 4e.
Une minute de silence respectée... "La minute de silence s'est bien passée", il n'y a pas eu de "contestations". Mais l'enseignant replace le contexte favorable à son bon déroulement. Son chef d'établissement a réuni "les enseignants dès 8 heures du matin", raconte Iannis Roder. Sur un ton "grave", il a pris ses responsabilités en prévoyant de possibles incidents. Lors de l'affaire Merah, il y avait déjà eu des problèmes avec certains élèves, se rappelle le professeur d'histoire-géographie.
Mais des propos "virulents" d'une minorité d'élèves. Les élèves "ont abordé le sujet tout de suite", dès "8 heures 30", rapporte l'enseignant. C'est alors qu'une minorité d'élèves se sont cependant fait remarquer en tenant des propos "extrêmement choquant" et "virulents".
Des valeurs "religieuses" et non "républicaines". "Quand même, ils l'ont bien cherché" jusqu'à "c'est bien fait pour eux, ils n'avaient qu'à pas dessiner le prophète", voilà ce qu'a pu entendre le professeur dans la bouche de ses élèves. À côté d'une majorité silencieuse d'élèves, quelques élèves ont pris la parole pour dénoncer les actes terroristes, mais rarement en faisant référence "aux valeurs républicaines ou universelles". Ils se basaient plutôt sur un "discours religieux" rapporte l'enseignant, en avançant par exemple que "dans l'islam, on n'a pas le droit de tuer".
Ce sont "des propos que l'ont peut considérer comme provocateurs" mais "ils ne le sont pas toujours", estime Iannis Roder qui pense que ces élèves ont pensé ce qu'ils ont dit. Leurs propos étaient "spontanés", juge-t-il.
>> LIRE AUSSI - Charlie Hebdo : quel rôle peut jouer l'école ?
De la pédagogie. Dans un tel contexte, Iannis Roder ne perd pas espoir. Il pense que "le rôle des professeurs est très important". "J'ai repris les paroles des élèves en les reformulant, en faisant participer les autres, en les faisant discuter", explique-t-il. Un élève qui était arrivé en classe en pensant que les dessinateurs de Charlie Hebdo avaient cherché ce qui leur étaient arrivé, est reparti en remerciant Iannis Roder. "Merci pour cette discussion, j'ai mieux compris les choses", lui a-t-il dit. L'enseignant avance que rien ne sert de faire du neuf, il suffit de "faire beaucoup de pédagogie" mais il déplore que tous les professeurs ne soient pas armés pour argumenter face à certains élèves.
"Je pense que nous sommes extrêmement utiles parce que, ce que les élèves entendent en dehors de l'école, ils le rapportent à l'école", selon l'enseignant. "C'est à nous (professeurs) de déconstruire ces discours, de montrer qu'il y a d'autres façons de penser, de voir le monde, que le religieux ne mène pas nécessairement le monde", explique-t-il.
Iannis Roder ne minimise pas pour autant les incidents qui ont entouré la minute de silence. Il pense même que le ministère "sous-estime les choses", au regard de ce qu'il entend autour de lui.
"Les valeurs de la République nous permettent de vivre ensemble", souhaite-t-il rappeler aux parents. Il pense en effet que certains parents ne parlent pas assez à leurs enfants de ces événements dramatiques.
>> LIRE AUSSI - Laïcité et faits religieux, les oubliés de l'école