Cheval : et la "dignité des pauvres"?

Les plats préparés à base de viande de cheval, en lieu et place du boeuf, vont finalement pouvoir trouver preneur. Bonne idée ? © MAX PPP
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avec Bruce Toussaint et Sébastien Krebs , modifié à

Les associations ne sont pas unanimes sur la distribution gratuite des plats retirés de la vente.

La question. Doit-on distribuer aux plus démunis la viande de cheval, qui est persona non grata dans les rayons des supermarchés ? Benoit Hamon, le ministre de la Consommation, a donné jeudi son feu vert aux associations pour qu'elles puissent proposer à leurs bénéficiaires les dizaines de milliers de produits faussement étiquetées "bœuf", retirés de la vente depuis début février. Il y a dix jours, le Secours populaire, les Restos du cœur et la Banque alimentaire étaient tombés d'accord pour une telle distribution. Mais, maintenant que l'autorisation est donnée, le débat renait au sein même des associations.

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CONTRE : une entaille à la "dignité humaine". "Si les produits sont bons, et s'il ne s'agit que d'un défaut d'étiquetage, pourquoi ne les propose-t-on pas à bas prix dans les commerces ? Les personnes en difficulté en profiteraient et tout le monde pourrait en acheter", a fait remarquer, vendredi sur Europe1, le directeur du Secours catholique, Bernard Schrick. Son association est plutôt réticente sur le fait de distribuer aux plus démunis des plats jugés non consommables pour les consommateurs lambdas, "au nom de la dignité humaine". "Ces produits sont proposés parce qu'il y a eu tromperie, duperie. J'avoue avoir un peu de mal à imaginer que les personnes en difficulté deviennent la caution morale d'un système qui a perdu de son sens pour dégager des marges. L'ensemble de la chaîne doit assumer son erreur", a estimé Bernard Schrick.

POUR : "le problème moral serait de jeter". Toutes les associations ne partagent toutefois pas les réserves du Secours catholique. "Ce qui me poserait un problème moral, ce serait de jeter des tonnes de marchandise qui, si elle est bonne, pourrait nourrir des millions de personnes qui ont faim", rétorque ainsi Julien Lauprêtre, président du Secours populaire, invité vendredi d'Europe1. Au risque de faire passer les plus pauvres pour des citoyens de seconde zone ? "Il y a peut-être cette impression mais nous allons tout faire pour qu'elle ne soit pas une réalité. Nous posons en effet deux conditions pour distribuer la marchandise : l'assurance absolue que tous ces produits sont de bonne qualité et la preuve toute aussi absolue de la provenance de ces produits", insiste Julien Lauprêtre.

 

Qu'en pensent les bénéficiaires ? Pour Alain Seugé, président de la Banque alimentaire, "les personnes en situation de fragilité sont sensibles à cet aspect stigmatisant. J'anticipe une certaine réticence lorsqu'on leur donnera des produits que le reste de la population ne veut pas". Mais au Secours populaire, plusieurs bénéficiaires interrogés ont pour la plupart indiqué être d'accord pour consommer ces plats.

Le coût de l'opération, unanimement redouté. Toutes les associations se mettent en tout cas d'accord pour interpeller les pouvoirs publics sur le coût d'une telle distribution. "Les produits surgelés, c'est ce qui revient le plus cher à distribuer", reconnaît Julien Lauprêtre du Secours populaire. Transport en camions frigorifiques, stockage en chambre froide : toutes les associations et leurs antennes locales ne sont pas équipées pour mener à bien un tel projet. "Il va falloir trouver des moyens nouveaux. Nous allons faire appel aux communes, aux départements, aux régions pour qu'ils nous aident financièrement", précise ainsi Julien Lauprêtre.