Muriel, 52 ans, n’a apparemment pas un bon souvenir de son passage au sein des laboratoires Servier. Cette ancienne visiteuse médicale, employée par le créateur du Mediator, a été entendue, comme une dizaine d’autres de ses ancien(ne)s collègues, par l’Office centrale de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique en septembre dernier. Et son audition, dont Le Figaro s’est procuré le PV, est sévère pour son ancien employeur.
"Je n'ai pas été surprise que le groupe Servier se soit fait épingler car nous avions toujours des produits qui étaient meilleurs que les autres en se basant sur des études animales ou sur des études avec des arguments sans réelle valeur", a notamment expliqué aux enquêteurs celle qui est restée dix ans chez Servier, avant de claquer la porte en 1999. "J'en avais assez de dire des choses sans aucun sens".
Un temps, Muriel a été chargée de vendre le Mediator, médicament aujourd’hui au cœur d’un scandale sanitaire ayant coûté la vie à des centaines de personnes. "J'avais déjà un a priori car ce médicament était appelé le ‘Merdiator’ chez Servier", a-t-elle affirmé. "C'est lors de la formation sur le Mediator que j'ai pris conscience qu'on me faisait dire sûrement n'importe quoi", poursuit-elle.
"Quitte à passer sous la table"
L’ancienne visiteuse médicale brocarde aussi la ligne de défense du laboratoire, selon laquelle le Mediator était bien présenté comme un antidiabétique, et pas comme un coupe-faim, alors qu’il était commercialisé en grande majorité pour cette caractéristique. "J'ai appris (en 1997), il me semble par des médecins, que le Mediator était un dérivé amphétaminique (...). Le laboratoire ne nous a jamais fait passer ce caractère anorexigène du Mediator (...). Par contre, les anciens visiteurs médicaux le connaissaient comme coupe-faim", a assuré Muriel.
Et c’est aussi tout le fonctionnement du laboratoire à laquelle s’en prend l’ancienne employée. "Dans le réseau Servier, les belles filles, les blondes aux yeux bleus comme moi étaient plus facilement recrutées", a-t-elle affirmé. "Les médecins connaissaient les techniques de recrutement de Servier sur les critères physiques. Je peux même vous dire que lorsque je suis arrivée chez Servier, madame Compagnon (en charge de la formation, ndlr) nous faisait une formation sur la tenue et la façon de se tenir. Elle mesurait même la longueur des jupes de certaines", a-t-elle rapporté.
Et le Mediator était bel et bien une priorité. "Si j'avais moi le secteur du Mediator un peu à la traîne, je devais faire en sorte d'atteindre mes objectifs", a-t-elle raconté. "Un directeur régional nous a même dit un jour en réunion que nous devions être premiers ce mois-là et nous a dit 'quitte à passer sous la table les filles, il faut y arriver'".