Les trois hommes dans le box des accusés - Dominique de Villepin, Imad Lahoud et Jean-Louis Gergorin - devront attendre le 14 septembre pour être fixés sur leur sort judiciaire, a annoncé jeudi la Cour d'appel de Paris, avant de clore les débats. Ils comparaissaient depuis le 2 mai pour l'affaire des faux listings Clearstream.
Villepin joue son avenir politique
Les peines requises - Le parquet a requis 15 mois de prison avec sursis contre Dominique de Villepin, poursuivi pour complicité de dénonciation calomnieuse dans cette affaire, une vaste machination qui a consisté à ajouter des noms de personnalités, dont celui du président Nicolas Sarkozy, sur des "listings" bancaires afin de les discréditer. Si la peine requise a été plus clémente qu'en première instance - en 2009, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, avait requis 18 mois avec sursis et 45.000 euros d'amende -, l'analyse du ministère public n'a pas bougé d'un iota. Pour l'avocat général Jean-Louis Perol, Dominique de Villepin est "complice par abstention" : il aurait dû dès juillet 2004 stopper Jean-Louis Gergorin, l'instigateur de la machination qui a consisté à ajouter des noms, dont celui de Nicolas Sarkozy, sur des listings bancaires afin de les discréditer.
Par ailleurs, 30 mois de prison, dont 15 mois ferme, et 40.000 euros d'amende ont été requis contre le mathématicien Imad Lahoud, tandis que 30 mois de prison, dont un an ferme et 40.000 euros d'amende, ont été demandés par le parquet général contre l'ancien dirigeant d'EADS, Jean-Louis Gergorin.
"Une affaire d'Etat" ?
La défense de Villepin - Pour les avocats de Dominique de Villepin, il est impossible de condamner un homme pour n'avoir "pas fait" quelque chose. D'autant que l'ex-Premier ministre n'était pas le seul qui aurait pu stopper les rumeurs et la calomnie. Selon eux, les débats ont démontré la passivité de l'ex-ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie. Nicolas Sarkozy lui-même, a fait remarquer la défense, aurait pu freiner la machine, car il était le mieux placé pour savoir que les listings étaient faux, puisqu'il n'avait pas de compte en Italie.
Les avocats de Dominique de Villepin ont également mis en cause le parquet, subordonné à l'Exécutif, et qui aurait tenté de torpiller leur client. "Je rends hommage à l'inventivité remarquable du parquet", a ainsi plaidé Me Olivier D'Antin, en évoquant le délit pour lequel est poursuivi son client, "une complicité de dénonciation calomnieuse par abstention". En 2008, "on était dans une impasse totale", et puis soudainement, le procureur de la République de Paris, Jean-Claude Marin, a opéré un "renversement radical" et "su trouver cette idée": "On était sur un péché par action, en avril 2004, et on bascule, à 180 degrés, sur un péché par omission, en juillet 2004 !"
Gergorin et Lahoud se renvoient la balle
La défense de Gergorin - Les avocats de Jean-Louis Gergorin ont tenté mercredi après-midi de convaincre la cour d'appel de Paris que l'ancien haut responsable d'EADS "n'est pas le cerveau de la machination" Clearstream, mais qu'il a été manipulé par son co-prévenu Imad Lahoud. "Toute la falsification est mise en place, construite, conçue" durant les premiers mois de 2003, lorsqu'Imad Lahoud travaillait pour la DGSE, une période durant laquelle "Jean-Louis Gergorin n'intervient d'aucune façon", a plaidé Me Thierry Dalmasso.
La défense de Lahoud - Me Olivier Pardo, le conseil d'Imad Lahoud, a reconnu jeudi devant la cour que son client avait une part de responsabilité dans l'affaire Clearstream mais a assuré que le professeur de mathématiques n'était pas "le chef d'orchestre" de la manipulation. "Imad Lahoud a reconnu être le détenteur des fichiers falsifiés, avoir ajouté le nom de Nicolas Sarkozy, (...) mais il n'a jamais, jamais reconnu être le falsificateur, le manipulateur du dossier Clearstream", a plaidé Me Pardo. Tandis que sa collègue, Me Boulanger insistait : Imad Lahoud "a changé". "Il n'y a pas de déterminisme au mensonge", a-t-elle plaidé rappelant que son client était retourné sur les bancs de l'école pour devenir agrégé de mathématiques, "une discipline où l'on ne peut pas mentir".
Le 28 janvier 2010, Dominique de Villepin avait été relaxé, tandis Jean-Louis Gergorin et Imad Lahoud avaient été condamnés à respectivement 15 et 18 mois de prison ferme, assortis pour chacun d'une amende de 40.000 euros.