Mercredi, après une éprouvante journée de réquisitions, la défense avait la parole au procès Clearstream II, à la cour d’appel de Paris. Le matin, les trois avocats de Dominique de Villepin, Me Olivier Metzner, Me Olivier d'Antin et Me Luc Brossollet, ont plaidé pour leur client, contre qui 15 mois de prison avec sursis ont été requis. L’après-midi, c’était au tour des avocats de l’ancien numéro 2 d’EADS, Jean-Louis Gergorin, de répondre aux réquisions du parquet - 30 mois de prison avec sursis, dont 12 mois ferme, et 45.000 euros d’amende -.Les deux défenses ont demandé la relaxe. Europe1.fr revient sur les principaux arguments des deux camps.
"Votre robe, ce n’est pas un tablier de boucher"
L’accusation, "un art schizophrène" - Dominique de Villepin, qui avait été relaxé en première instance, s’était emporté contre le parquet lundi. Sa défense a enfoncé le clou mercredi. Me Luc Brossollet, premier avocat à s’exprimer pour l’ancien Premier ministre, a estimé que l’accusation était "un art schizophrène", faisant référence au réquisitoire de l'avocat général contre Villepin. "Cette affaire dans un siècle de com', dans un pays dirigé par un spécialiste de la com', est déjà devenue du cinéma", a-t-il ensuite lancé, haussant le ton, avant d’ajouter : "c'est un film, il s'appelle 'le bal des menteurs' (...) M. Marin (Jean-Claude Marin, le procureur qui a fait appel de la relaxe de Dominique de Villepin, ndlr) s'est montré comme un véritable acteur de cinéma".
Me Olivier Metzner a lui fait référence à Nicolas Sarkozy, sans prononcer son nom. "Cet homme mécontent le 28 janvier dernier" - la date de la relaxe de Dominique de Villepin - et dont "on connaît le courroux", a-t-il dit, aurait "organisé un conciliabule à l'Elysée" ce jour-là, entre les parties civiles. L’avocat s’est amusé du fait qu'"un président n'a que ça à faire, gérer la relaxe de Dominique de Villepin".
"Le fantasme Sarkozy"
De son côté, Me Olivier d’Antin a même parlé d’un "fantasme Sarkozy", un scénario selon lequel Dominique de Villepin aurait voulu nuire à son rival, qui aurait influencé le parquet. "Il est temps de mettre un terme à ce dossier", à "cette mascarade", a-t-il plaidé, car "votre robe, ce n'est pas le tablier de boucher", a-t-il ajouté, faisant référence aux propos prêtés à Nicolas Sarkozy qui avait promis de pendre les coupables de la machination "à un croc de boucher".
Michèle Alliot-Marie encore égratignée - La défense de Villepin estime que l’ancien ministre ne méritait pas d'être condamné pour n'avoir pas stoppé l'affaire Clearstream, alors que le ministère de la Défense, alors dirigé par Michèle Alliot-Marie, n'avait "rien fait".
"Non seulement il n'a pas été passif, mais il a été plutôt plus actif que les autres", a dénoncé olivier d’Antin. Et Me Metzner d’aller encore plus loin : "si le parquet n’a pas requis sur cette abstention, c’est parce qu'il aurait fallu entendre plus de personnes pour savoir pourquoi elles s'étaient abstenues", citant notamment Michèle Alliot-Marie, alors ministre de la Défense, et donc ministre de tutelle du général Rondot.
Cette notion de complicité "par abstention" a été décrite comme une "transformation radicale des indications" qui avaient été données jusque-là par Me d’Antin, qui a ironisé sur "l'inventivité remarquable du parquet".
"Gergorin et Rondot, deux aveugles"
Lahoud, "l’homme qui invente Clearstream" - La défense de Dominique de Villepin, comme celle de Jean-Louis Gergorin, a fait d’Imad Lahoud la tête pensante de la machination Clearstream. Selon la défense de Dominique de Villepin, Lahoud "invente Clearstream". "On n'a pas voulu voir cela, car "si Jean-Louis Gergorin est innocent, il n'y a pas de ministre en cause", a insisté insisté Luc Brossollet, parlant d’une "chasse au gros".
De son côté, Me Iweins, avocat de Gergorin - qui a reconnu avoir remis les fichiers Clearstream au juge van Ruymbeke -, a estimé que son client et le général Rondot étaient "deux aveugles" manipulés par un Lahoud "très malin" qui a "un don pour tromper tout le monde".
Gergorin et ses "obsessions" - L’un des sujets les plus commentés de la journée de mercredi est la personnalité de Jean-Louis Gergorin, décrit comme un homme en proie à "une obsession notoire du complot », selon l’expression utilisée par son avocat Hervé Témime. Il a ainsi expliqué qu’il avait rencontré Lahoud à un moment où il était"très perturbé" par la mort de Jean-Luc Lagardère" (ndlr il est mort en mars 2003), et pensait "sincèrement" qu'il y avait "un complot de la part d'adversaires".
Jeudi, c’est l’avocat du mathématicien Imad Lahoud qui doit s’exprimer.