"Nous sommes passés d'un avis de tempête à un avis d'ouragan. Certains patrons sont en état de quasi-panique." La présidente du Medef, Laurence Parisot, a dénoncé lundi dans les colonnes du Figaro une "situation gravissime" des entreprises hexagonales, dans une longue interview aux élans alarmistes. "Il y a dix ans, l'Allemagne était l'homme malade de l'Europe et si nous ne faisons rien, bientôt ce sera au tour de la France", poursuit-elle.
"Nous assistons à une défiance généralisée des investisseurs, résidents comme non-résidents. Lorsque, pour investir, ils ont le choix entre plusieurs pays, les grands investisseurs étrangers excluent maintenant la France d'emblée", avance la patronne des patrons, réclamant en "urgence un choc de compétitivité." Que propose-t-elle pour apaiser "l'ouragan"? Que lui répond le gouvernement? Le point sur des difficiles négociations au long cours.
• Quel choc pour Laurence Parisot? Pour la présidente du Medef, une baisse de charges des entreprises, salariales et patronales, de 30 milliards d'euros apparaît comme "le minimum pour réduire l'écart avec l'Allemagne". Elle serait financée en augmentant "légèrement la CSG et la TVA hors produits de première nécessité."
"Ce choc doit être court et se produire sur deux ans, trois ans maximum. Le décrochage de la France est trop sérieux, on ne peut étaler cette réforme sur toute la durée du quinquennat", dit-elle encore, avant d'ajouter que l'amélioration de la compétitivité passe aussi par une baisse des dépenses publiques.
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• Que prépare le gouvernement? Jean-Marc Ayrault a entamé, lundi lors d'une visite de l'Institut de recherche technologique (IRT) Jules-Verne, en Loire-Atlantique, une longue séquence qui doit aboutir à des réformes pour améliorer la compétitivité. Les deux évènements clés : la remise le 5 novembre du rapport très attendu du Commissaire général à l'investissement, Louis Gallois, et un "séminaire gouvernemental" à Matignon juste après, réunissant tous les acteurs du dossier.
Le débat s'est jusqu'ici focalisé sur le coût du travail et les pistes pour le réduire, comme une hausse de la CSG étalée sur plusieurs années pour compenser une baisse des charges. "Il y a des débats. Rien n'est tranché à ce stade", tempère toutefois Matignon.
Mais selon Le Monde du 3 octobre dernier, qui citait des sources élyséennes, l'exécutif envisage un traitement encore plus "choc" que le minimum réclamé par Laurence Parisot. "Les entreprises pourraient bénéficier d'un allégement du coût du travail d'une quarantaine de milliards d'euros, avec le basculement de cotisations employeurs sur un impôt large, la piste la plus sérieuse étant celle de la contribution sociale généralisée (CSG)", avait écrit le journal du soir. La présidence "souhaite" étaler un transfert des charges des employeurs vers les contribuables sur la durée du quinquennat, à raison de 8 à 10 milliards par an, poursuivait le quotidien.
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• Pourquoi le gouvernement hésite? L'idée d'un tel choc semble toutefois s'éloigner. "Dans le choc, il peut y avoir un choc récessif. Si c'est pour faire un transfert dont l'impact sera plutôt récessif, ce n'est pas ce qu'on cherche", soutient Matignon, qui préfère parler désormais de "trajectoire de compétitivité" et répète à l'envi que le coût du travail n'est pas "l'alpha et l'oméga" de la compétitivité.
Cette prudence du gouvernement s'explique en partie par la réticence d'une partie de la majorité à un tel choc. La crainte? Qu'une hausse de la TVA ou de la CGS impacte le pouvoir d'achat, la consommation et donc la croissance. "Je suis tout à fait réservé sur une mesure qui ponctionnera le pouvoir d'achat des ménages", estime ainsi Christian Eckert, le rapporteur général du budget à l'Assemblée, cité par Le Figaro. "Une entreprise qui n'a plus de demandes ni de marché n'embauchera pas. Tout choc sur le pouvoir d'achat serait antiéconomique", renchérit Karine Berger, député socialiste et secrétaire nationale à l'économie au PS.
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