L'INFO. C'est un document sonore dont on soupçonnait l'existence depuis des mois. Publié sur Médiapart, il pourrait bien causer la perte de Serge Dassault. Le site d'information et d'investigation a en effet publié dimanche des extraits d'une conversation de l'industriel et sénateur UMP susceptibles, selon Mediapart, de constituer une "pièce à conviction centrale" dans l'enquête sur la corruption électorale dans la ville de Corbeil-Essonnes, dont il est l'ancien maire. "Cette fois, Serge Dassault ne pourra pas nier", écrit Mediapart, assurant que l'enregistrement et la voix de l'industriel ont été dûment authentifiés.
>> Mise à jour : Serge Dassault a été convoqué comme témoin assisté le 2 octobre prochain par des juges d'instruction d'Evry, ont annoncé lundi ses avocats. La justice enquête sur des tentatives d'homicide perpétrées en 2013 dans son fief de Corbeil-Essonnes et qui pourraient être liées aux faits de corruption électorale présumés.
"Tout l'argent a été donné". Médiapart publie en réalité trois extraits d'un enregistrement que le site assure avoir écouté dans son intégralité. L'industriel milliardaire y "admet" avoir "payé pour s'assurer de la victoire" de son successeur à la mairie de Corbeil, Jean-Pierre Bechter, aux municipales de 2010. Cette prise de son a été réalisée en novembre 2012, dans le bureau de Serge Dassault, par deux habitants venus se plaindre de ne pas avoir touché l'argent promis, une somme en forme de pactole : 1.700.000 euros. L'enregistrement est de très mauvaise qualité, mais l'on peut y entendre l'industriel expliquer que "tout l'argent a été donné"."Moi je ne peux plus rien donner à qui que ce soit, je ne vais pas payer deux fois", poursuit-il encore. L'homme présenté comme Serge Dassault renvoie ensuite ses interlocuteurs vers un certains Younes, homme clef de ce système. Ce dernier individu est accusé d'avoir tiré à l'arme à feu sur les deux auteurs de cet enregistrement, trois mois après leur conversation avec le sénateur UMP.
Deux enquêtes dans le fief de Dassault. La justice enquête à Corbeil-Essonnes, ville dont le sénateur UMP a été maire pendant une quinzaine d'années, de 1995 à 2009, sur deux affaires. La première concerne les soupçons d'achats de voix aux élections, et une autre des tentatives d'homicide qui pourraient être liées. Le 3 juillet dernier, le Sénat avait refusé, pour "défaut de motivation" de la demande, de lever l'immunité parlementaire de Serge Dassault, que des juges d’Évry souhaitaient entendre sous le régime de la garde à vue. La justice, qui n'a pas établi de lien entre les tentatives d'assassinat et des achats de voix présumés, enquête sur ces deux volets, de façon distincte, à Évry pour le premier dossier et à Paris pour le deuxième.
Une première élection invalidée après des "dons". Les achats de voix sont dénoncés depuis des années par l'opposition municipale, qui avait contesté à deux reprises les élections, en 2008 puis en 2009. L'élection municipale de 2008, qui avait vu la réélection de Serge Dassault, avait été invalidée en 2009 par le Conseil d’État pour des dons d'argent que l'industriel, dont la fortune est estimée à 9,9 milliards d'euros par le magazine Challenges, a toujours contestés. Jean-Pierre Bechter lui avait ensuite succédé mais le sénateur reste omniprésent dans la ville de Corbeil.