Crèches : une solidarité "chère" à l'Etat

"Il faudra désormais que les crèches accueillent au minimum 10% d'enfants pauvres", a annoncé dimanche Jean-Marc Ayrault
"Il faudra désormais que les crèches accueillent au minimum 10% d'enfants pauvres", a annoncé dimanche Jean-Marc Ayrault © MAXPPP
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Jean-Marc Ayrault veut réserver 10% des places en crèches aux enfants des familles défavorisées.

L'INFO. "Il faudra désormais que les crèches accueillent au minimum 10% d'enfants pauvres", avait annoncé dimanche Jean-Marc Ayrault. "A terme, les crèches devront accueillir la même proportion d'enfants issus de familles pauvres que ce qu'ils représentent dans leur commune", avait-il même déjà précisé. Un plan de lutte contre la pauvreté et l'exclusion qu'il a détaillé lundi. L'objectif de "10% d'enfants pauvres dans les crèches" s'ajoutera donc à d'autres réformes annoncées en décembre, comme la revalorisation du RSA ou l'extension de la CMU. Leur coût pour l'Etat est déjà estimé à deux milliards d'euros, financés "sans impôt supplémentaire, sans nouveau prélèvement", a prévenu Jean-Marc Ayrault.

>> À lire : plan pauvreté, pourquoi deux milliards ?

>>> Ayrault est-il trop ambitieux ? La mesure est-elle réalisable ? Combien cela va coûter ? Éléments de réponse.

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• Que dit la loi ? La loi impose aux établissements d’accueil de réserver 5% de places aux enfants de bénéficiaires de minima sociaux, sous condition qu'ils aient un minimum d'activité professionnelle où qu'ils suivent une formation.

• Dans les faits, qu'est-ce que ça donne? "Il n’existe pas d’évaluation de cette disposition, et les acteurs de terrain font souvent état d’une faible effectivité", regrette le rapport d'experts sur les "familles vulnérables, l'enfance et la réussite éducative", sur lequel se base le Premier ministre. De plus, les chômeurs sont exclus des quotas. Résultats : la plupart des enfants pauvres se voient fermer la porte des crèches, souvent en manque de place, et privilégiant les familles qui travaillent et ne peuvent pas garder leurs enfants. Selon une étude de la DREES (datant de 2007), dans les 20% de familles les plus pauvres, 92 % des enfants de moins de trois ans sont ainsi gardés principalement par leurs parents.

• Pourquoi il faut aller plus loin. L'enjeu est double. D'une part, tout le temps consacré par un chômeur à son enfant ne le sera pas pour chercher du travail. "Des évaluations ont montré que l’accès à une place de crèche accroissait de 15 % l’accès à l’emploi de la mère", estime ainsi le rapport d'experts. De plus, il en va du développement de l'enfant. "L’accueil collectif permet aussi de limiter les inégalités dans l’acquisition du langage", poursuit ainsi le document.  

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• Comment accueillir davantage d'enfants  pauvres? Deux solutions existent. Aux États-Unis et en Angleterre par exemple, les familles défavorisées sont "prioritaires", même s'il n'y a pas de quota. Les plus aisées sont obligées d'aller placer leurs enfants dans le privé s'il n'y a pas assez de place pour eux. Mais pas sûr que Jean-Marc Ayrault opte pour cette option. "Ce système n’est conforme ni à l’intérêt des enfants, qui bénéficient de la mixité sociale, ni à la logique de la politique familiale française", estime ainsi le rapport d'experts. Et de préconiser une autre option : construire plus de places en crèche, pour pouvoir accueillir les pauvres sans exclure les riches.

28.800 euros par place de crèche

• Quel coût pour les finances publiques? Pour l'instant, le Premier ministre n'a fourni aucun détail sur la méthode retenue pour débloquer et financer les nouvelles places. Mais le rapport d'experts propose la création de 240 000 places, soit 24 000 places par an, pour un coût de fonctionnement supplémentaire pour les finances publiques (collectivités+Caf), de 670 millions d’euros par an. Toutefois, les experts se basent sur une part de 20% de places réservés aux enfants défavorisés.  Le gouvernement, qui retient le seuil de 10%, créera-t-il moins de places? Pas sûr : pendant la campagne, François Hollande avait promis 500.000 places en cinq ans, pour un coût estimé à 5 milliards. Il avait ensuite toutefois refusé de réaffirmer un objectif chiffré.

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• Plus de pauvres… donc moins de recettes. La création de places supplémentaires ne serait pas le seul surcoût pour l'Etat. Car aujourd'hui, en France, les crèches publiques proposent des tarifs progressifs. Ainsi, une famille pauvre peut payer jusqu'à huit fois moins qu'une famille aisée. Et c'est la Caf qui paie la différence aux gestionnaires des crèches. Davantage d'enfants pauvres signifie donc  davantage de coûts assumés par la Caf, et donc par l’État. Ce surcout est toutefois à nuancer, car la part payés par les familles est minime. On estime en effet à 28.000 euros le coût moyen d'une place en crèche. La moitié est assumée par les collectivités locales et la Caf en assure déjà plus d'un tiers, même sans quota de pauvres.

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• Les familles aisées mises à contribution? Jean-Marc Ayrault pourrait augmenter le coût assumé par les plus riches qui veulent inscrire leurs enfants en crèche. Le projet socialiste à la présidentielle ne disait d'ailleurs pas autre chose, en évoquant "la bonification de l'engagement financier des caisses d'allocations familiales en fonction des quotients familiaux."

• Un exemple concret.  La ville de Grenoble a réussi à mettre en place un système de "priorité" donnée aux enfants défavorisés. "Après beaucoup d'efforts de communication et la création d'un pôle centralisant toutes les demandes, nous avons atteint le seuil de 30%", détaille Olivier Noblecourt, adjoint (PS) à l'action sociale, contacté par Europe1.fr. Mais l'élu le reconnait : "nous avons la chance d'avoir beaucoup de places. À Grenoble, un enfant en âge sur deux est accepté en crèche."