Être déprimé n'exposerait pas à un risque accru de cancer, contrairement à une opinion assez répandue, selon une étude épidémiologique publiée mardi. Réalisée par des chercheurs français sur 14.203 personnes suivies entre 1994 et 2009, elle n'a pas permis de trouver une "association significative" entre le fait d'avoir connu des symptômes dépressifs au cours de sa vie et la survenue ultérieure de cinq types de cancers (prostate, sein, colon, cancer associé au tabac et cancers du sang).
"Les idées reçues ont parfois la vie dure", relève Cédric Lemogne, psychiatre à l'hôpital Georges Pompidou, qui a coordonné l'étude et qui rappelle que "dès Hippocrate et les débuts de la médecine, on associait déjà la présence de +bile noire+ qui a donné le terme mélancolie, au développement des tumeurs malignes". Même si, précise-t-il, quelques petites études avaient déjà montré "une association entre la dépression et une moindre cicatrisation, plus d'inflammation ou des troubles des défenses immunitaires", aucune grande étude "de bonne qualité" n'avait jusqu'à présent réussi à affirmer ou infirmer l'hypothèse d'une association entre cancer et dépression.Les chercheurs de l'Inserm ont utilisé les données médicales portant sur les 14.203 personnes participant depuis 1989 à la cohorte Gazel des anciens employés d'EDF-GDF. 1.119 d'entre eux ont développé un cancer entre 1994 et 2009.
Les participants avaient été invités à répondre un questionnaire spécifique tous les 3 ans pendant 15 ans. Mais les chercheurs ont également tenu compte des diagnostics de dépression faits par des médecins à l'occasion d'un arrêt de travail entre 1989 et 1993. Aucune association "significative" n'a été retrouvée dans cette étude entre l'existence de symptômes dépressifs et la survenue ultérieure d'un cancer. La survenue d'un cancer est en revanche un facteur connu de dépression, selon le Dr Lemogne, qui rappelle que 25% des personnes atteintes de cancers connaissent des épisodes dépressifs après l'annonce de la maladie. Ces épisodes doivent être traités en même temps que le cancer, ajoute-t-il. Par ailleurs, aucune étude sérieuse ne permet, selon lui, d'affirmer que la dépression affecte le pronostic d'une personne atteinte d'un cancer, même s'il existe un léger sur-risque de décès associé à la dépression. "Il existe en revanche une association solide entre dépression et maladies cardiovasculaires, tout comme entre le stress et les maladies cardiovasculaires", rappelle-t-il.