C'est la nouvelle technique mise au point par les entreprises pour régler les différends avec les salariés aux prud'hommes : mettre en cause la déontologie et le professionnalisme du médecin du travail. Trois d'entre eux sont ainsi poursuivis devant le conseil de l'Ordre des médecins.
L'employeur veut invalider un certificat médical. C'est le cas du docteur Dominique Huez, médecin du travail à la centrale nucléaire de Chinon, en Indre-et-Loire, qui raconte, au micro d'Europe 1, sa mésaventure. "J'ai rédigé un certificat médical que j'estime banal", explique-t-il. Ce document faisait le lien entre l'état dépressif d'un salarié de la centrale et son travail, évoquant des "vexations" et de "punitions". "Un an et demi après, ce certificat médical a été utilisé par un salarié dans une affaire prud'homale, dont je ne suis ni de près, ni de loin partie", précise encore le médecin. L'employeur, pour faire invalider le certificat médical, a choisi de porter plainte devant l'Ordre des médecins.
"Pas question" de revenir sur le diagnostic. Une situation ubuesque, pour Dominique Huez : "je ne peux pas expliquer pourquoi j'ai agi devant des employeurs, cela m'est interdit par le code du travail. Je ne peux pas non plus m'expliquer sur des données médicales, car cela reviendrait à trahir le secret médical. La seule chose que je pourrais faire, c'est de revenir sur un diagnostic médical. Il n'en n'est pas question."
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Des sanctions possibles. Le médecin risque pourtant gros. La cour disciplinaire de l'ordre pourrait en effet prendre des sanctions à son encontre, qui pourraient aller jusqu'à la radiation. A Bourg-en-Bresse, un de ses collègues s'est ainsi vu notifier un blâme par son Ordre départemental et a dû faire appel devant le conseil national.
Les associations s'insurgent. Plusieurs associations de médecins du travail s'inquiètent de la multiplication de ces procédures. Deux autres professionnels de la santé au travail sont confrontés à des plaintes similaires de la part d'employeurs. "Il n'est pas pensable qu'on demande aux médecins d'être indépendants, d'intervenir dans les entreprises s'ils courent le risque d'être ensuite attaqués devant l'ordre des médecins", s'insurge Odile Riquet, présidente de l'association Santé et Médecine du travail. " De quel droit doit-on rendre des comptes sur nos compétences aux employeurs ?", s'interroge-t-elle.
Avec son association, elle demande que l'Ordre des médecins ne puisse plus être saisi que pour les questions de déontologie et non plus pour les pratiques professionnelles, afin d'éviter que ce genre de procédures se banalise.