Dounia Bouzar, anthropologue et directrice du centre de prévention contre les dérives sectaires liées à l’islam (CPDSI), était l'invitée d'Europe Midi. Interrogée par Wendy Bouchard, elle est revenue sur la mission de son centre, destiné à désendoctriner les jeunes candidats au djihad, et éviter leur départ. Selon le directeur de la police de l'air et des frontières d'Orly, deux à trois Français partiraient chaque jour pour mener le djihad.
Pour sensibiliser à l'endoctrinement, le CPDSI a publié une vidéo, dans laquelle apparaissent les familles de jeunes partis en Syrie. A l'image, Mériam Rhaiem, revenue début septembre de Turquie avec sa fille Assia, 28 mois, que son père avait enlevée pour rejoindre la Syrie. "Quand mon ex-mari est arrivé là-bas, ils pensaient tous être dans le vrai", assure Mériam Rhaiem, dans le clip de prévention. Aujourd'hui, elle assure que son ex-mari est "sous une emprise sectaire".
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Regardez le clip de prévention du CPDSI :
Interrogée par Europe 1, Dounia Bouzar estime que le choix du départ pour les jeunes candidats au djihad relève de "l'endoctrinement sectaire".
Quels arguments sont utilisés pour l' endoctrinement ?
Les recruteurs disent aux jeunes qu'ils ciblent que le petit malaise ressenti à l'école ou en société est le signe qu'ils sont élus par dieu, parce qu'ils sont supérieurs au reste du monde. Ils leur disent qu'il faut aider la Syrie, car c'est dans ce pays que des enfants ont été gazés. Puisque la communauté internationale se montre impuissante, on leur assure que c'est leur mission de sauver ce pays.
L'intervention de Dounia Bouzar sur Europe 1 :
Peut-on parler de dérives sectaires ?
Oui, les techniques sectaires sont employées. Les recruteurs disent aux jeunes ciblés que tout le monde leur ment. Ils leur assurent ensuite que le monde est dominé par des sociétés secrètes. Ce n'est qu'après ces étapes que le discours religieux est employé. Les recruteurs assurent aux jeunes que la seule chose qui peut sauver les peuples, c'est l'Islam. C'est à ce moment que l'endoctrinement "djihadiste" opère.
Selon une étude publiée par votre centre, 80% de ces jeunes sont issus de famille athée. Quel est leur profil ?
Pendant longtemps, les recruteurs attiraient d'abord des personnes fragiles, qui avaient des problèmes à l'école, en manque de repères sociaux et familiaux. Aujourd'hui, ils arrivent à faire basculer n'importe quel jeune. Il peut s'agir d'enfants d'enseignants, de médecins, qui sont diplômés et bien dans leur peau, ou qui habitent le 16 ème arrondissement de Paris [quartier chic de la capitale].
Il faut davantage être attentif aux signes de rupture qu'aux signes religieux. Dans la prévention, on regarde surtout si le jeune a arrêté de fréquenter ses anciens amis en affirmant qu'ils ne sont "pas dans le vrai", s'il arrête ses activités de loisirs. Nous sommes davantage attentifs à l'endoctrinement qu'à la conversion religieuse.