Internet a bonne mémoire. Parfois trop. C'est du moins l'avis partagé par Max Mosley. L'ancien président de la Fédération internationale de l’automobile a en effet assigné Google en justice. Au nom du respect de la vie privée, il a demandé le retrait d'images compromettantes de lui, tournées en 2008. Sur les images, le libertin Max Mosley est vêtu d'un costume nazi et se prête à des jeux sadomasochistes avec cinq prostituées. Le tribunal de grande instance de Paris a ordonné mercredi à Google de retirer et de faire cesser l'affichage sur son moteur de recherche Google Images de neuf clichés montrant les ébats sadomasochistes. Une décision de justice qui relance la question houleuse du droit à l'oubli sur Internet.
>> A lire - Mosley, les vidéos sadomasos et Google
Que dit la loi française en matière de droit à l'oubli ? Actuellement, la législation française ne prévoit rien en la matière. Elle accorde uniquement un "droit à l'effacement" dans le cadre de la loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés. Le droit a l'effacement a été adopté en 1995. L'article 40 de cette loi modifiée en août 2011 stipule ainsi que "toute personne physique justifiant de son identité peut exiger du responsable d'un traitement que soient, selon les cas, rectifiées, complétées, mises à jour, verrouillées ou effacées les données à caractère personnel la concernant, qui sont inexactes, incomplètes, équivoques, périmées, ou dont la collecte, l'utilisation, la communication ou la conservation est interdite."
Pourquoi ce n'est pas suffisant ? Mais cette directive se révèle peu efficace à l'heure du Web, où nos données sont recopiées par une multitude d'intermédiaires. C'est pourquoi, depuis plusieurs années, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) et le Défenseur des droits notamment se battent pour que le "droit à l'oubli" en général soit reconnu. "Dans la loi, il n'y a pas d'automatisme entre le droit à l'effacement et le droit à l'oubli qui accorde un déréférencement définitif. Beaucoup de gens sont étonnés lorsqu'ils s'en rendent compte. Des procédures existent bien, mais elles peuvent prendre un certain temps", commente le secrétaire général de la Cnil, interrogé par Europe1.fr.
Combien de demandes sont traitées actuellement ? En 2012 et 2013, selon les chiffres transmis par la Cnil elle-même, environ 1.000 plaintes (sur 6.000 en moyenne) concernent le droit à l'oubli. Et même si une grande majorité trouve une issue favorable, toujours selon la Cnil, le phénomène est d'autant plus prégnant depuis le développement à vitesse grand V d'Internet au début des années 2000. "Il s'agit surtout de pages touchant à la réputation, notamment en ce qui concerne la nudité", explique la Cnil.
Que stipule le projet de loi ? Dans la lignée de la Cnil, le projet de règlement européen sur la protection des données personnelles vise à garantir et renforcer le droit à l'oubli. Selon le projet de loi de la Commission européenne, qui doit être adopté par le Parlement en 2014, le droit à l'oubli est défini de la manière suivante : "toute personne devrait avoir le droit de faire rectifier des données à caractère personnel la concernant, et disposer d'un "droit à l'oubli numérique" lorsque la conservation de ces données n'est pas conforme au présent règlement. En particulier, les personnes concernées devraient avoir le droit d'obtenir que leurs données soient effacées et ne soient plus traitées."
Dans quels cas puis-je demander de retirer un contenu sur Internet ? Toujours selon le projet de règlement de la Commission européenne, les internautes pourront demander la suppression de certains contenus : "lorsque ces données ne sont plus nécessaires au regard des finalités pour lesquelles elles ont été recueillies ou traitées, lorsque les personnes concernées ont retiré leur consentement au traitement ou lorsqu'elles s'opposent au traitement de données à caractère personnel les concernant ou encore, lorsque le traitement de leurs données à caractère personnel n'est pas conforme au présent règlement".
Comment les données seraient-elles effacées concrètement ? Le projet prévoit de faire détruire non seulement le stockage d'origine, mais toutes les répliques, les référencements dans les moteurs de recherche, résume Le Monde. Les personnes désireuses de faire supprimer un contenu compromettant devront ainsi contacter le premier responsable du traitement des données qui aura ensuite l'obligation de transmettre cette demande aux sites ayant repris le contenu en question. Grâce à cette réaction en chaîne, les requêtes qui restent généralement en suspens, devraient donc aboutir plus souvent.