Une étude montre que de plus en plus de profs veulent la fin des notes. Comment les remplacer ?
Obligé de redoubler pour un 9,5 de moyenne au lieu de 10… Combien d'élèves ont-ils eu cette angoisse ? Les notes à l'école ont de nombreux détracteurs. Selon une enquête réalisée auprès de 6.500 professeurs et révélée en exclusivité mardi sur Europe1, 39% des professeurs se disent favorables à leur suppression. Un chiffre en progression fulgurante.
Pour les partisans de leur suppression, les notes sont en effet jugées élitistes et stressantes. "Ce système de notation, et l’obsession du classement auquel il répond, crée une très forte pression et stigmatise les élèves qu’il enferme, progressivement, dans une spirale d’échec, écrivait en novembre 2010 un collectif de chercheur dans une tribune. Alors que la confiance en soi est indispensable à la réussite scolaire, les conséquences de ce système de classement sur les élèves en difficulté sont désastreuses : fissuration de l'estime de soi, absence de valorisation de leurs compétences, détérioration des relations familiales et, à terme, souffrance scolaire."
Mais existe-t-il des alternatives crédibles ? Europe1.fr a planché sur le sujet.
"Si on se contente d'une note, à 16 on touche plus à rien"
La petite variante : des chiffres aux lettres. Certains professeurs remplacent les chiffres par des lettres, généralement de A à D. "Elles permettent une appréciation globale", témoignait par exemple Brigitte Biasse, la directrice de l'École nouvelle Saint-Thomas-d'Aquin, établissement privé sous contrat, à Paris, dans un article de La Croix daté de fin 2010. "Si un élève est vraiment en difficulté, nous appliquons un autre barème, adapté à ses capacités, ou nous suspendons la notation."
En 1969, le gouvernement a même tenté d'imposer ce système. Mais il a vite été amené à le retirer. Il peut en effet conduire aux mêmes dérives que les chiffres, les enseignants ajoutant très souvent des + ou des – aux lettres.
Le "zéro note". De nombreux pourfendeurs des chiffres en haut de copie souhaitent que les enseignants n'utilisent que des appréciations, comme cela existe déjà en maternelle et aussi souvent en primaire : compétence acquise, en cours d'acquisition, ou non acquise.
"On est plus sur des appréciations qui permettent de mesurer les progrès des élèves où on voit si les compétences sont acquises, en cours d'acquisition ou pas acquises du tout. Et en fonction de cette évaluation, on voit bien très bien ce que ça veut dire, y compris pour les parents. En termes de lisibilité vis-à-vis des familles, cela peut avoir du sens. Car des notes parfois très bonnes, parfois très mauvaises, au final, ça ne veut pas dire grand-chose ", souligne Christian Chevalier, secrétaire général du Syndicat des enseignants de l'Unsa, joint par Europe1.
Un code couleur. Certains enseignants évaluent leurs élèves avec des couleurs. Des collèges de La Rochelle ont pris les devants l'an dernier et tenté l'expérience. Dans certaines classes les notes ont disparu.
Sur le bulletin, pas de chiffres, mais du rouge, du vert, du orange et pour chaque matière, on ne se contente pas d'une moyenne, mais on précise si l'élève comprend les consignes, s'il communique bien à l'écrit, ou encore si son cahier est à jour. Sur leurs travaux, les élèves découvrent également une copie sans note, mais avec différentes couleurs et surtout de longues appréciations de l'enseignant.
Isabelle Rubet, professeure de biologie, détaille au micro d'Europe 1 ce code couleur. "Quand je mets rouge, c'est qu'il y a beaucoup de choses qui ne vont pas. Quand on est en orange, c'est qu'il y a des choses un peu maîtrisées mais qu'il y a encore beaucoup de travail à faire pour progresser. Le vert clair, c'est partiellement acquis et le vert foncé, c'est correct."
"Ça a le grand mérite de savoir ce que l'élève va devoir travailler la fois d'après pour que sa copie soit mieux. Tandis que si on se contente d'une note, au-dessus de 15 on se dit c'est bien, alors à 16 c'est parfait, on touche à rien. Or, il y a peut-être des choses à retoucher pour être meilleur la fois d'après", racontait en novembre au micro d'Europe 1 le père d'un élève.
"Ne pas être manichéen"
La graduation. En Finlande, pays en tête des classements internationaux en matière d'éducation (voir le classement du programme Pisa), les élèves sont évalués pour la première fois à 9 ans, de façon non chiffrée. Et les premières notes tombent lorsqu'il a 11 ans.
Par ailleurs, la note la plus basse est ensuite 4/10, pour éviter de décourager les élèves. Cette note signifie que l’élève doit recommencer l’apprentissage, mais il ne doit pas nécessairement doubler sa classe.
La complémentarité avec les notes. Pour beaucoup, supprimer les notes, permettant un suivi précis et lisible de l'élève, seraient toutefois une erreur.
Le ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon n'est ainsi pas favorable à la suppression des notes. Mais il prône une "évolution". "Je trouve que le débat est toujours intéressant quand il n'est pas manichéen, pour ou contre les notes, et d'ailleurs ce n'est jamais comme cela qu'il a été posé, y compris par moi", a assuré mardi le ministre de l’Éducation nationale sur i-Télé.
Il faut "qu'il y ait une évolution de la façon dont nous notons, parce que la note doit pouvoir être aussi un encouragement et pas un découragement parce que les élèves de France, à part les petits Japonais, sont les plus malheureux au monde", a poursuivi Vincent Peillon.
Contactés par Le Soir, le sociologue Pierre Merle soutient également les notes, mais en pratiquant l'anonymat lors des tests, tandis que le chercheur en didactique André Antibi propose un système d'évaluation par "contrat de confiance", dans lequel l'enseignant communiquerait une série de questions (et leurs réponses) aux élèves quelques jours avant le test.
Dans un registre légèrement moins sérieux l'internaute Pierrrrre propose sur le site du Rue 89 de remplacer chaque chiffre pas un commentaire. 0 équivaudrait ainsi à "nul", 1 à "pratiquement nul", 2 à "j'ai noté le titre", 9 à "presque moyen" et 20 à "copié sur internet".