La mise sur écoute de leur confrère a été le "coup" de trop. Dans une lettre, des avocats s'indignent des écoutes téléphoniques visant Me Herzog, l'avocat de Nicolas Sarkozy. Pour eux, les écoutes et les perquisitions dans leurs cabinets constituent une atteinte fondamentale aux droits de la défense. Pour dénoncer ces "atteintes graves et répétées" au secret professionnel, ils ont décidé de lancer une pétition qui recueille déjà plus de 400 signatures. Le Conseil national des barreaux (CNB), instance de représentation de la profession d'avocats, estime, pour sa part, que les juges sont coupables d'un "détournement" de procédure.
# LES RAISONS DE LA GROGNE
La goutte d'eau. C'était il y a près d'une semaine. Mardi, on apprenait qu'une perquisition avait eu lieu au domicile de Me Herzog. En cause : l'ouverture d'une enquête pour "trafic d'influence" et "violation du secret de l'instruction" visant à mettre au clair les relations entre l'ex-chef d'Etat et son avocat. Trois jours plus tard, les choses se précisent. Le Monde révèle que cette perquisition trouvait son origine dans l'interception de discussions au téléphone entre l'avocat et l'ex-chef de l'Etat. Et qu'elle avait été faite à la demande de juges enquêtant sur les accusations de financement de la campagne 2007 de Nicolas Sarkozy par la Libye de Mouammar Kadhafi.
Des interpellations en bas de leur bureau. Une situation inadmissible pour les avocats pénalistes qui, dans les couloirs du palais de justice, sont de plus en plus nombreux à raconter des dérives. Ils décrivent des magistrats prêts à faire feu de tout bois pour que leurs enquêtes aboutissent. Les avocats déplorent également des écoutes téléphoniques à répétition, des surveillances en bas de leur cabinet, parfois même au pied de leur domicile. Ou encore, témoigne une avocate, une interpellation en bas de son bureau.
Autant de pratiques désastreuses pour leur réputation. "Que les cabinets d'avocats soient aujourd'hui devenus un lieu privilégié dans lequel les juges songent à rechercher les éventuelles preuves des instructions qui leurs sont confiées, suscite l'inquiétude", écrivent-ils dans la lettre.
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Des avocats présentés comme complice. Certains avocats se sont même retrouvés en photo dans les dossiers des policiers en compagnie de leur client. Et ils s'étonnent des questions de plus en plus intrusives des policiers, comme : "pourquoi avez-vous choisi cet avocat ? Comment est ce que vous le payez ?". Des questions qui n'ont rien à voir avec l'enquête et qui donne l'impression à ces pénalistes qu'ils sont parfois considérés comme les complices de ceux qu'ils défendent.
Des perquisitions similaires aux affaires de grand banditisme. Sans parler des perquisitions dans leur cabinet. Celle de Me Herzog a duré dix heures, en fouillant dans tous les meubles, y compris l'électroménager, comme dans une affaire de grand banditisme dénoncent ses confrères. Ces derniers se montrent très choqués que les juges aient également demandé à fouiller la maison de sa femme et le studio de son fils.
"Un danger pour la démocratie". "Nous alertons les pouvoirs publics sur le danger pour la démocratie de telles dérives et sur l'impérieuse nécessité de protéger le secret professionnel, pilier de la profession d'avocat et sans lequel aucune défense ne peut s'exercer", interpellent les signataires, qui recensent des grands noms du barreau, Henri Leclerc, Hervé Temime, Eric Dupond-Moretti, Jacqueline Laffont, Pierre Haïk ou encore Christian Saint-Palais.
# LES AVOCATS CONTRE-ATTAQUENT
Le bâtonnier de Paris demande que Me Herzog récupère son téléphone. Signe de l'émoi suscité dans la profession par cette affaire, Pierre-Olivier Sur a pris, en personne, des initiatives pour défendre Me Herzog. Le bâtonnier de Paris s'est en effet rendu, jeudi à l'audience chez le juge des libertés et de la détention. Là, il a contesté les saisies réalisées chez Me Herzog et demandé la restitution du téléphone de l'avocat de Nicolas Sarkozy. Une démarche inédite. Selon Pierre-Olivier Sur, la décision serait déjà prise de ne pas rendre le téléphone à Me Herzog. J'ai appris qu'il ne lui serait pas restitué. Pour autant, les téléphones ne seront pas récupérés par les juges d’instruction et le parquet. Pour l'instant, ils sont sous scellés fermés entre les mains du juge de la liberté et de la détention", détaille-t-il.
Et saisit le président de la République. "Je vais saisir le président de la République qui est le garant des libertés publiques afin qu'il puisse arbitrer dans cette affaire et prendre les mesures qui conviennent qui sont à son niveau", a déclaré Pierre-Olivier Sur, lundi sur Europe 1. Le bâtonnier de Paris compte en effet écrire à François Hollande pour se placer sous sa "haute protection" et lui dire "l'émoi" de la profession après les écoutes de l'avocat de Nicolas Sarkozy. Cette lettre doit être envoyée dans la journée.
ZOOM - Écoutes téléphoniques : que dit la loi ?
RÉSUMÉ - Sarkozy sur écoute : une nouvelle affaire en six actes
RETOUR SUR - Des perquisitions chez l'avocat de Sarkozy
REPORTAGE - Plongée dans le futur bunker des écoutes téléphoniques