Seulement trois semaines après la rentrée scolaire, l'Education nationale a vécu mardi sa première grève de l'année. Un mouvement de grogne contre les réductions d'effectifs, les classes surchargées, les remplacements non assurés ou la formation trop rapide des nouveaux enseignants qui a été particulièrement suivi. Au total, une centaine de défilés étaient organisés. Et comme à l'accoutumé syndicat de ministère de l'Intérieur se sont livrés à une bataille de chiffres. Selon le ministère, près de 110.000 manifestants ont défilé en France, contre 165.000 selon une première estimation de la FSU et de l'UNSA-Éducation.
Près de la moitié des enseignants du public en grève
Dans le public, près de 29% des enseignants du primaire et 22,3% des professeurs du secondaire ont été signalés comme grévistes, d'après les chiffres officiels. Les syndicats parlent eux de 53,75% de grévistes dans le primaire, et 50% dans le secondaire.
Point d'accord entre le ministère et les syndicats : la mobilisation "inédite" du privé. Il faut remonter à 1984 pour trouver une mobilisation d'envergure des enseignants du privé contre le projet de loi de la gauche sur le passage de l'école privée au sein du service public d'enseignement.
Le privé vient gonfler les cortèges
Dans les académies de Nantes, de Rennes et du Nord-pas-de-Calais, la manifestation a été très suivie. A Nantes, la première académie du pays pour le secteur privé, près de 5.000 enseignants ont défilé dans les rues, indique Ouest-France. "C'est très très fort, au-delà de ce qu'on n'a jamais connu" dans le privé, se félicite Philippe Legrand responsable de la Fep-CFDT. Son homologue en Ille-et-Vilaine, 2e académie de France pour cet enseignement, parle d'un fait "sans précédent", assure François Le Pennec. Ils étaient entre 5.000 manifestants selon la police et 10.000 selon les syndicats.
A Toulouse, entre 3.200 et 5.000 enseignants du privé et du public ont défilé dans les rues. "On ne veut pas d'un système où il y aurait une école pour ceux qui ont les moyens et une pour ceux qui ne les ont pas", dénonce Alain Belpech, secrétaire CFDT des enseignants du privé de Haute-Garonne.
Interrogé par Europe 1, François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, a constaté : "le fait que les enseignants et salariés des écoles publiques et privées soient ensemble ensemble prouve qu'il s'agit d'un problème de système éducatif, de système scolaire".
Aubry dans la cortège parisien
Beaucoup de personnalités politiques et syndicales, notamment François Chérèque (CFDT), Pierre Laurent (PCF), Harlem Désir, Martine Aubry et Jean-Luc Mélenchon, étaient présentes dans le cortège parisien, qui est parti vers 14h30 du Boulevard Saint-Germain pour rejoindre Sèvres-Babylone à quelques encablures du ministère de l'Education.
Selon les chiffres de la FSU et de l'UNSA-Éducation, 45.000 manifestants se sont réunis à Paris.
L'UMP relativise l'ampleur du mouvement
Lors d'un déplacement dans une usine de carburant vert à Venette, près de Compiègne, Nicolas Sarkozy a quant à lui relativisé l'ampleur de la mobilisation. "Aujourd'hui, il y a des protestations, c'est normal dans une démocratie", a-t-il déclaré. De son côté, Luc Chatel a confirmé : "Une grève fin septembre dans l'éducation nationale, ce n'est pas révolutionnaire", ajoutant "ce mouvement n'a rien d'historique. Trois enseignants sur quatre aujourd'hui travaillent".
Des propos qui ont suscité la grogne des membres du PS, et notamment celle de Martine Aubry. En marge du cortège parisien, la candidate à la primaire socialiste a déploré le manque de compréhension de Nicolas Sarkozy. "Le président de la République n'a pas compris ce qu'était la France, il n'a pas compris qu'on conjuguait égalité et liberté et qu'on n'opposait pas les jeunes et les personnes âgées, les chômeurs aux travailleurs, le privé au public. Que la France, c'est justement tout cela réuni", a fustigé l'ancienne patronne du PS.
Le favori des sondages, François Hollande, a dénoncé quant à lui le bilan désastreux de Nicolas Sarkozy en terme d'éducation. "Le mouvement enseignant d'aujourd'hui, d'une ampleur exceptionnelle, exprime d'abord la profonde colère de la communauté éducative envers la politique que le président de la République inflige, depuis cinq ans, à l'école et ceux qui y travaillent", a-t-il déploré.
80.000 postes en moins en cinq ans
A sept mois de l'élection présidentielle, les professeurs ont ainsi protesté contre 16.000 suppressions de postes en 2011, ainsi que contre les 14.000 autres qui devraient être votées mercredi en conseil des ministres. Cela porterait à 80.000 le nombre d'enseignants en moins sur la période 2007-2012. Dans le privé, le secteur fonctionne "à flux tendu". Tous les professeurs du privé ont une classe à charge, aucun ne peut donc assurer des remplacements en cas d'absence. "Il a fallu retirer des heures d'accompagnement personnalisé aux élèves, ou renoncer à un certain nombre de dédoublements", a résumé Eric de Labarre, le secrétaire général de l'enseignement catholique.
Outre la pénurie de professeurs, la grève concernait également un manque de considération salarial. "On voudrait aligner la France sur les pays européens. Il faut savoir que les professeurs français sont beaucoup moins bien payés que dans beaucoup d'autres pays d'Europe", a témoigné exemple Marie-Dominique Porée, professeure de grammaire au lycée La-Bruyère de Versailles.