Suite à la diffusion dimanche par TF1 d'extraits des enregistrements audio des discussions entre Mohamed Merah et les policiers lors du siège de son appartement, le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour violation du secret de l'instruction. Une autre enquête avait été ouverte fin juin après une plainte de la famille d'une victime de Merah déplorant que les vidéos des tueries aient été visionnées notamment par des journalistes.
Le secret de l'instruction, considéré comme une protection de l'enquête et de la présomption d'innocence des mis en cause, est régulièrement enfreint. Mais qu'entend-on précisément par "violation du secret de l'instruction" ? Qu'en est-il dans ce dossier ? Et que prévoit le droit en cas d'infraction ? Europe1.fr fait le point.
• A partir de quand y a-t-il "violation de l'instruction" ?
L'article 11 du Code de procédure pénale précise que "la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète" et que "toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel". Cela concerne policiers, magistrats, greffiers, avocats, mais ni les prévenus ni les parties civiles. Il peut être établi qu'il y a eu violation du secret de l'instruction si la source est identifiée, ou s'il ne fait aucun doute que le média détient le document (s'il a reproduit une photocopie d'un PV ou autre document d'instruction, ou en a cité de larges extraits). "Savoir si la liberté d'informer prime se discute au cas par cas", explique par ailleurs l'avocat spécialiste du droit de la presse Yves Baudelot.
• Qu'en est-il pour les journalistes ?
Les journalistes peuvent être poursuivis pour "recel de violation du secret de l'instruction", mais les procédures aboutissent rarement, souligne Richard Malka, avocat spécialiste du droit de la presse. "La jurisprudence, en particulier sous l'impulsion de la CEDH (Cour européenne des Droits de l'Homme), considère que le droit à l'information prime", souligne Me Malka. Le terme de recel signifie la possession de documents, et non de simples informations par le journaliste, et il doit préalablement être établi qu'il y a bien eu violation du secret de l'instruction, précise Me Baudelot.
• Quelle peine ?
La violation de cette règle est passible d'un an de prison et 15.000 euros d'amende (article 226-13 du code pénal). Cette peine peut être portée à 5 ans de prison et 75.000 euros d'amende si les informations sont divulguées à "des personnes que l'on sait susceptibles d'être impliquées" dans l'affaire ou "dans le dessein d'entraver" l'enquête (art 434-7-2).
• Faut-il modifier le Code pénal ?
Le rapport Léger, remis en 2009 à la précédente majorité, avait préconisé la suppression du secret de l'instruction mais le maintien d'un secret professionnel pour les magistrats dans le cadre d'une réforme de la procédure pénale, mais celle-ci a été de facto enterrée. Guillaume Larrivé, député UMP de l'Yonne, a annoncé lundi, à propos de l'affaire Merah, son intention de déposer une proposition de loi pour que la violation du secret de l'instruction soit désormais punie de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende, "lorsqu'elle porte atteinte à la dignité de la victime d'un crime". Rappelant que le parquet de Paris a ouvert une enquête préliminaire pour violation du secret de l'instruction, Guillaume Larrivé estime en effet que "cette procédure est utile mais ne permettra pas (...) de sanctionner l'atteinte particulière qui a été portée à la dignité des victimes de Mohamed Merah".