Le chiffre. Sept entreprises sur dix ont eu à gérer des questions liées à la religion en 2013, un chiffre en hausse selon le dernier rapport de l'Observatoire du fait religieux en entreprise (OFRE). Aménager des pauses pour la prière ou remplacer des collègues absents pour cause de fêtes religieuses : les exemples se multiplient, notamment pour les salariés de confession musulmane. Les imams eux-mêmes sont de plus en plus sollicités pour des conseils.
L’étude. Si 70% des entreprises sont concernées, seules 12% y sont régulièrement confrontées et 3% rencontrent des cas vraiment conflictuels. "Ces 3% des cas, on va les trouver dans des entreprises qui sont dans des zones où la problématique religieuse est forte. Ces entreprises-là vont très souvent rencontrer du fait religieux et, beaucoup plus souvent que les autres, des cas bloquants", relativise Lionel Honoré, directeur de l’OFFRE.
"Ce sont aussi des entreprises qui emploient une main-d’œuvre peu qualifiée. Ainsi, les centres d’appels, le bâtiment, le secteur médicosocial, les usines sont plus touchées. Les demandes et les conflits sur le fait religieux demeurent très rares chez les cadres", précise le quotidien Libération.
Quand un employé refuse tout contact avec les femmes. Et le directeur de l’OFFRE d’évoquer le cas d’une "association dans le secteur médico-social, où il y a à peu près 300 salariés. Il y a notamment un salarié salafiste qui refuse d’être tout seul dans la même pièce qu’une femme. Qui refuse tout contact physique avec une femme. Cela pose problème parce que son manager est une femme. J’ai vu des cas de salariés qui refusent de pousser des chariots parce qu’il y a de l’alcool ou des produits porcins à l’intérieur du chariot. Des cas de prosélytisme aussi : des salariés qui vont aller en chercher d’autres sur la chaîne de montage pour les obliger à venir prier avec eux".
"Là, c’est à l’entreprise en tant qu’institution, c’est à la direction d’agir : définir les règles et les rappeler. S’il faut licencier quelqu’un, il faut être capable de le faire. Des positions courageuses qui imposent un fonctionnement neutre de l’entreprise. Ce qui est d’ailleurs attendu par les salariés".
Les imams deviennent des conseillers. Mais les chefs d’entreprise ne sont pas les seuls à devoir gérer ces épineux dossiers. C’est aussi le cas des imams, de plus en plus sollicités pour répondre aux interrogations des salariés de confession musulmane. C’est notamment le cas de l'imam Rachid Birbach à Auxerre : chaque semaine, il reçoit 20 à 30 visites. Avec des questions très variées : des livreurs qui se demandent s'ils peuvent transporter de l'alcool, des ouvriers du bâtiment qui n'ont pas le temps de prier pendant la journée, voire des employés de banque qui s'interrogent sur la prohibition du prêt à intérêt par l'islam.
Et Rachid Birchach d’évoquer la dernière question qui lui a été posée : "un serveur avait lu sur Internet que servir de l’alcool, c’est comme en boire et qu’il va donc aller en enfer. De plus il sert parfois des salades contenant du porc… Il était perdu dans sa tête, il m’a demandé s’il devait quitter son travail. Je lui ai répondu 'non, tu es un père de famille, tu as des responsabilités, reste dans ton travail' ".
Tous les imams contactés par Europe 1 sont unanimes : les salariés qui s’interrogent ne doivent pas abandonner leur travail à cause de leur religion. Leurs conseils : organisez-vous, rattrapez les prières à la fin de la journée, échangez le colis qui gêne avec un collègue, et si vraiment vous êtes mal à l'aise, cherchez ailleurs, mais ne démissionnez que quand vous avez trouvé un autre emploi.
Internet inquiète les imams. Ce qui préoccupe surtout les imams, ce que ce genre de questionnement surgit surtout chez les jeunes, en quête de repères et qui tentent de trouver des réponses sur internet.
L'imam de Drancy, Hassène Chalgoumi, préfère donc que les croyants qui doutent s’adressent directement à leur mosquée : "le dialogue est très important, il ne faut pas que Monsieur Google récupère tous ces gens-là". Et Hassène Chalgoumi de citer un exemple pour le moins extrême : "malheureusement, les jeunes qui sont partis en Syrie, ils n’ont pas dialogué".
INTERVIEW - "Toutes les religions sont concernées"
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