Étude OGM : une critique officielle mais…

L'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a jugé jeudi "insuffisante" l'étude du chercheur français Gilles-Eric Séralini sur la toxicité d'un maïs OGM et lui a demandé de fournir davantage d'informations sous peine de la rejeter.
L'autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a jugé jeudi "insuffisante" l'étude du chercheur français Gilles-Eric Séralini sur la toxicité d'un maïs OGM et lui a demandé de fournir davantage d'informations sous peine de la rejeter. © MAXPPP
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L'Autorité européenne de sécurité des aliments menace de rejeter l'étude "choc". Pourquoi ?

La crédibilité de l'étude "choc" sur les OGM finira-t-elle par tomber? L'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) a qualifié jeudi d'"insuffisante" l'enquête du chercheur français Gilles-Eric Séralini, et lui a demandé de fournir davantage d'informations, sous peine de la rejeter. "Sans ces éléments, il est peu probable que l'étude se révèle fiable, valide et de bonne qualité", a asséné l'EFSA dans un communiqué. "La conception, le système de rapport des données et l'analyse de l'étude, tels que présentés dans le document, sont inadéquats", insiste l'autorité, dont le jugement est décisif, puisque la Commission européenne se range derrière lui dans tous les cas.

La charge est d'autant plus lourde qu'elle intervient après l'avis de l'Agence allemande de sécurité sanitaire, pas tendre non plus avec l'étude du professeur français. "Elle manque de robustesse autant dans la conception que dans l’analyse statistique, a écrit cette institution, citée jeudi par Marianne. En raison de la conception insuffisamment rigoureuse et la manière de présenter et interpréter les données, les conclusions essentielles des auteurs ne sont pas compréhensibles". Pourquoi tant de doutes ? Ces avis sont-ils crédibles ? Europe1.fr fait le point.

"Oui, les OGM sont un poison"

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© REUTERS

Ce que dit l'étude. L'étude du professeur français Gilles-Eric Séralini dénonce la "toxicité avérée" du maïs OGM. Un groupe de laboratoire a élevé et nourri plusieurs groupes de rats avec ou sans OGM. Bilan : une mortalité et un taux de tumeurs bien plus élevés chez les rats qui ont consommé du maïs OGM Monsanto NK603.

L'étude se démarque par la longévité des recherches : deux ans, alors que la plupart des études menées jusque là ne dépassaient pas les 90 jours de travaux. Cette longévité ajoutée à un contrôle des pairs qui lui ont valu parution dans la Food and Chemical Toxicology ont fait que l'étude a immédiatement été prise au sérieux et suscité un emballement médiatique. "Oui, les OGM sont un poison", avaient titré de nombreux journaux.

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Une avalanche de critiques. La tempête médiatique a vite été suivie d'une pluie de contestations. Premier élément pointé du doigt : le choix de la lignée de rats utilisée pour le test. Ceux-ci développeraient, selon les scientifiques contestataires, naturellement des tumeurs s'ils mangent pendant trop longtemps une nourriture trop riche.

Petite taille des effectifs par lot qui ne permet pas de tirer des conclusions statistiques sérieuses, manque de précisions sur la composition de la nourriture donnée aux rats… Les autres arguments ne manquent pas. Des arguments que semblent avoir pris à leur compte les agences européenne et allemande.

>> LIRE AUSSI : OGM, juste un coup médiatique?

"L'EFSA n'a pas un avis objectif"

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Les critiques sont-elles fiables ? Toutes les contestations, des agences officielles comme des autres, sont balayées par le professeur Gilles-Eric Séralini. "Je suis attaqué de manière extrêmement malhonnête par des lobbies qui se font passer pour la communauté scientifique", martèle-t-il. Le Français insiste : les rats testés sont morts à cause des OGM.

Et son jugement sur le manque d'indépendance des agences officielles, l'EFSA en particulier, est largement partagé. "L'EFSA n'a pas un avis objectif et peut difficilement mener des expertises indépendantes car elle est souvent réduite à analyser les études réalisées par les producteurs eux-mêmes", avait ainsi taclé, en 2010, Cécile Duflot, la patronne des Verts d'alors et actuelle ministre du Logement.

L'ancienne présidente de l'Autorité européenne a même dû démissionner récemment, pour cause de conflit d'intérêt. Elle avait dissimulé qu’elle avait été membre du comité des directeurs de la branche européenne Ilsi, un lobby composé de tous les pontes de l'agrobusiness (Monsanto, Syngenta, Bayé, BASF, etc.) Et elle n'était pas un cas isolé. De nombreux autres cadres de l'autorité ont également été pointés du doigt pour leurs liens étroits avec les industriels.

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Résultat : l'autorité a systématiquement autorisé les demandes d'importation d'OGM par les industriels européens. Même en 2008, alors que l'Institut Pasteur avait mis en avant les incertitudes existantes sur les effets à long terme d'un maïs OGM commercialisé par un certain... Monsanto.

L’agence allemande semble, elle, moins contestable. Dépendante du ministère fédéral de l’alimentation, de l’agriculture et la protection des consommateurs, elle doit faire montre de prudence vue la sensibilité du sujet outre-Rhin, où les écologistes ont une grande influence.

La France "traque les conflits d’intérêt"

"Tout ceux qui ont aboyé contre l'étude sont à l'origine de l'autorisation de ces produits", dénonce Gilles-Eric Séralini.

Quelles suites ? L’examen préliminaire publié jeudi par l'Autorité européenne "constitue la première étape d’un processus qui se déroulera en deux phases. Une seconde analyse, plus complète, sera publiée d'ici la fin octobre 2012", précise l'EFSA.

Côté français, le gouvernement a commandé une contre-expertise à l'Agence nationale de sécurité sanitaire. Selon l'hebdomadaire Marianne, l'ANSES "prend son temps et met un soin particulier à choisir ses experts, traquant férocement tout conflit d’intérêts." La tâche n'est pas des moindres.