Expulsion de Leonarda : les versions divergent

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Fabienne Cosnay , modifié à
LA POLEMIQUE - Dans quelles circonstances la collégienne kosovare a-t-elle été arrêtée ? Les récits divergent.

Le contexte. Les conditions dans lesquelles s'est déroulée l'expulsion de Leonarda, une jeune kosovare de 15 ans, ont suscité l'indignation d'une grande partie de la gauche. Le PS, par la voix de l'un de ses porte-parole, a demandé mardi que "les circonstances et les responsabilités" ayant conduit à cette décision soient "clairement établies". Face à la polémique, Matignon a annoncé l'ouverture d'une enquête administrative par le ministre de l'Intérieur Manuel Valls. Qui a prévenu la collégienne ? Comment s'est déroulée son arrestation ? Sur plusieurs de ces questions, les protagonistes de ce qui devient "l'affaire Leonarda" s'affrontent.

Le début de l'histoire. Il y a une semaine pile, le 9 octobre, Leonarda Dibrani, une jeune Kosovare de 15 ans vivant à Levier, dans le Doubs, a été expulsée vers le Kosovo. L'adolescente, élève de 3e au collège André Malraux de Pontarlier, a été arrêtée par la police alors qu'elle participait à une sortie scolaire. La jeune fille faisait l'objet avec ses parents et ses cinq frères et soeurs d'une obligation de quitter le territoire après que la famille avait été déboutée de ses demandes d'asile.

>>> Sur deux points, les récits divergent :

• Qui a prévenu Leonarda ? Dans un communiqué rendu public mardi soir, Manuel Valls explique d'abord que la police aux frontières du Doubs et la gendarmerie ont constaté, en se rendant au domicile de la mère et des enfants, que "l'une des enfants", en l'occurrence Leonarda, était "absente". La collégienne, en sortie scolaire avec sa classe à Sochaux, a alors reçu un coup de fil sur son téléphone portable. Mais les versions diffèrent pour savoir qui était à l'autre bout du fil. Selon le ministre de l'Intérieur, c'est un membre du  Réseau éducation sans frontières (RESF), qui se trouvait aux côtés de la mère, qui a parlé à la collégienne. Selon le secrétaire général de la préfecture du Doubs, Joël Mathurin, c'est la maman qui a directement joint sa fille.

Le récit fourni par l'enseignante de Leonarda, rendue publique par RESF sur Mediapart, est radicalement différent. C'est le maire de Levier qui a appelé la jeune fille avant de demander à parler à un enseignant présent dans le bus. Madame Giacoma, la prof d'histoire-géographie de la collégienne, a alors pris le téléphone.

Cette version des faits a été confirmée par Eric Alauzet, député EELV de la circonscription où résidait la famille de Leonarda. "L'ancien maire, qui connaît bien Leonarda, l'appelle sur son portable et là tout le monde s'aperçoit qu'elle était dans le bus scolaire car elle avait dormi chez une copine". "C'est à ce moment-là que les officiers de police auraient sans doute dû en référer à leur hiérarchie. Ils n'ont pas pris la bonne décision au bon moment", a estimé l'élu.

• Une "arrestation dans la concertation" ? Le ministre de l'Intérieur et la préfecture du Doubs insistent sur un point : l'arrestation de Leonarda s'est faite "sans incident" et "dans la concertation". " Il a été convenu entre la famille, le représentant de son comité de soutien, l'enseignante en charge de la sortie scolaire et les forces de l'ordre de laisser la jeune fille sortir du bus afin de lui permettre de rejoindre sa famille dans le cadre de l'exécution de la mesure d'éloignement", écrit Manuel Valls. "Les choses se sont déroulées sans coercition et sans incident", a renchéri le secrétaire général de la préfecture du Doubs, Joël Mathurin. 

Mais, une fois encore, le récit fourni par l'enseignante n'a rien à voir. Et est beaucoup moins rose que la version officielle. Selon la prof de Leonarda, le maire de Levier puis un agent de la police aux frontières ont demandé à l'enseignante de faire arrêter immédiatement le bus scolaire. "On m'a intimé l'ordre de faire arrêter le bus à l'endroit exact où nous nous trouvions, le bus était alors sur une rocade très passante, un tel arrêt aurait été dangereux !", explique Madame Giacoma sur Mediapart. C'est à la demande de l'enseignante que l'autocar s'est finalement arrêté sur le parking d'un autre établissement scolaire, le collège Lucie Aubrac du Doubs, où des policiers sont venus chercher la jeune fille sur le parking, loin des regards des autres élèves. "J'ai demandé à Leonarda de dire au revoir à ses copines, puis je suis descendue du bus avec elle, nous sommes allées dans l'enceinte du collège à l'abri des regards et je lui ai expliqué la situation", relate l'enseignante sur Mediapart.

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