Robert Riblet. L'évocation de ce nom doit provoquer quelques sueurs froides au sein de l'état-major de la Française des Jeux, qu'il accuse d'avoir "manipulé la chance" et qui est jugée devant le tribunal correctionnel de Nanterre. Depuis plus de dix ans, cet ancien chef d'entreprise mène un combat sans répit pour faire condamner la loterie nationale. Pour démontrer son propos, Robert Riblet a consacré une grande partie de son temps, achetant de nombreux tickets de grattage et faisant chauffer la calculatrice. Portrait d'un homme qui n'a jamais renoncé dans sa lutte, malgré une alléchante tentative de conciliation de la FDJ en 2005.
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Il abhorre l'injustice. "Du fait d'une enfance difficile, il a développé une haine de l'injustice et du mensonge", explique Gilles Delbos, le journaliste qui a coécrit avec lui 100% des perdants ont tenté leur chance. "Les personnes qui jouent aux jeux de grattage sont des petites gens (...). Il n'a pas supporté l'idée que l'on puisse les tromper. Ça l'a sur-motivé", ajoute-t-il. Pupille de la nation, "placé dès mon plus jeune âge dans les fermes du Nord pour y être exploité durement (...) je n'ai pas été beaucoup à l'école, en revanche j'ai cependant retenu ce proverbe : qui vole un oeuf, vole un boeuf", commente-t-il sur la page Facebook de soutien à son initiative.
Sa curiosité à l'origine de cette action... Robert Riblet se rappelle du jour où il a commencé à se pencher sérieusement sur la question. C'était un jour de septembre 2001. Alors qu'il prend un apéritif avec des amis dans un bar-tabac de l'Aisne, où il réside, il assiste à un "étrange manège". Au comptoir, un joueur habitué, qui venait d'acheter un carnet entier de tickets, les gratte un par un jusqu'à obtenir le gros lot. Le détaillant range alors le restant du lot et sort un autre livret plein et la situation se répète. Songeant à une martingale, il se lance alors dans une enquête, manière à l'époque "de (s')occuper après le décès de (sa) femme".
... Sa ténacité à la conclusion. Après trois ans, quelque 1.500 détaillants interrogés et 33.000 euros dépensés en jeux de grattage, Robert Riblet est formel : la détermination et la répartition des gains n'ont rien d'aléatoire. L'ex-entrepreneur dit avoir découvert que chaque livret de tickets (50 pour un jeu à 3 euros comme le Vegas) est programmé pour comporter un seul lot significatif (de 20 à plusieurs milliers d'euros). Les autres tickets sont perdants ou ont des montants dérisoires.
L'affaire aurait pu s'arrêter là car le retraité n'en fait pas une question d'argent. "Je leur ai d'abord envoyé une lettre pour leur signaler le problème", assure-t-il. Mais la réponse de l'entreprise de loteries, qui le menace de poursuites, va décupler sa ténacité. Il refusera même, en 2005, une juteuse proposition de la FDJ, qui lui offre 450.000 euros, dont 300.000 en liquide, contre son silence. "Il a l'acharnement des monomaniaques", souligne quant à lui son ancien avocat, Me Gilbert Collard, désormais député apparenté FN. Lundi, devant le tribunal de Nanterre, après avoir développé ses arguments, Robert Riblet attendra sereinement le jugement. "Ce n'est pas l'argent qui m'intéresse dans cette affaire", affirmait-il dans une interview à Planet.fr. Ce qu'il désire, assure-t-il, c'est "l'égalité des chances stricte entre les joueurs".