Nouveau rebondissement dans l'affaire des écoutes téléphonique du Monde. Dans le cadre de son enquête sur les surveillances téléphoniques illégales réalisées en marge de l'affaire Bettencourt, la juge Sylvia Zimmermann est tombée sur une affaire similaire. La magistrate a découvert, après avoir sollicité l'opérateur Orange, que les factures téléphoniques du journaliste Jacques Follorou avaient été transmises à la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ), à la demande du parquet de Marseille.
Un article suscite l'émoi des enquêteurs
En cause, deux journalistes du Monde, Jacques Follorou et Yves Bordenave, ont cosigné entre 2009 et 2010 plusieurs papiers sur de sanglants règlements de comptes au sein du grand banditisme corse.
Le premier, titré "Des aveux font le lien entre 'l'affaire' Alain Orsini et la guerre dans le milieu corse" avait été publié le 25 mai 2009. Le second, titré "Ainsi a fini la Brise de mer", avait été publié le 14 janvier 2010.
Ces articles se fondaient sur des procès-verbaux de garde à vue et citaient les noms de commanditaires présumés, ajoute le journal. En interne, la publication des identités des personnes suspectées "ont mis un foutoir monstre dans les prisons ou étaient détenus des Corses", se souvient une source judiciaire contactée par Le Parisien. "Les enquêteurs - magistrats comme policiers - et des avocats, s'étaient vivement émus auprès du parquet de la mise sur la place publique de certains éléments d'enquêtes en cours, révélations susceptibles non seulement de nuire aux investigations, mais surtout de mettre en danger la vie de certains protagonistes de ces dossiers", a confirmé le procureur Dallest au Monde.fr.
L'accès aux fadettes, une démarche légale ?
C'est pourquoi, ce dernier a décidé, en avril 2010, d'ouvrir une enquête préliminaire pour “violation du secret de l’instruction” et “violation du secret de l’enquête”. Pour retrouver les personnes à l'origine de la divulgation de l'identité des commanditaires présumés, le procureur de Marseille ainsi demandé - et obtenu - les "fadettes" des deux journalistes.
Forcé de s'expliquer, ce dernier a assuré au Monde.fr qu'il avait "agi en conformité avec la loi, qui autorise la saisie de facturations téléphoniques dans certains cas bien précis, par exemple lors des affaires de criminalité organisée, comme celles évoquées dans les deux articles en question."
De son côté, le journaliste a rétorqué : "qui peut raisonnablement croire que Le Monde ait délibérément mis en péril une enquête sur des faits criminels ?" Pour Jacques Follorou, l'autorité judiciaire semble avoir "du mal à accepter le rôle de contre-pouvoir de la presse", ce qui est inquiétant pour la démocratie selon lui.
Le Monde et ses avocats n'avaient pas encore communiqué en début d'après-midi sur cette affaire et un éventuel dépôt de plainte.