Assis sur le banc des accusés, John Galliano, cheveux lâchés et tout de noir vêtu, a regardé droit devant lui pendant toute l'audience. Le couturier britannique était jugé mercredi devant la 17ème chambre du tribunal correctionnel de Paris pour deux affaires d'injures à caractère raciste. Il sera fixé sur son sort le 8 septembre prochain.
Des insultes répétées
John Galliano était accusé d'avoir insulté trois personnes au cours de deux altercations dans un bar du Marais à quelques mois d'intervalle. Le 24 février dernier, il avait traité une jeune femme de "dirty Jewish face" ("sale gueule juive" en anglais) et son ami de "fucking Asian bastard" ("putain de bâtard asiatique"). Après leur plainte, une troisième jeune femme avait à son tour assuré avoir eu maille à partir avec le couturier quelques mois avant, début octobre 2010. John Galliano l'aurait alors traitée de "sale pute juive".
Selon les deux amis, leur altercation avec John Galliano aurait duré près de 45 minutes. Un laps de temps durant lequel, le couturier aurait proféré de très nombreuses insultes - ce que ne conteste pas son avocat, Me Aurélien Hamelle, qui réfute seulement celles qualifiées de racistes. John Galliano assure à la barre ne se souvenir de rien.
Une vidéo d'un accrochage similaire, toujours dans le même bar, à une date indéterminée mais qui pourrait avoir eu lieu en décembre 2010 selon John Galliano, a été projetée durant l'audience. Le film, tourné avec un téléphone portable, avait été mis en ligne par le site du Sun. On y voit John Galliano lancer "J'adore Hitler. Des personnes comme vous seraient mortes. Vos mères, vos pères seraient tous des putains de gazés".
Une triple addiction
Pour expliquer son comportement, John Galliano a expliqué qu'il souffrait à l'époque d'une "triple addiction", à l'alcool, aux somnifères et au valium. "Je ne pouvais plus aller au travail sans prendre de cachets", avoue-t-il à la barre. Le styliste confie aussi qu'il lui arrivait de prendre des somnifères en pleine journée.
Une situation dans laquelle il dit avoir plongé après avoir perdu son père en 2005 et un ami proche en 2007. "Je n'ai pas pris le temps de faire mon deuil", raconte-t-il, ajoutant qu'il était retourné travailler juste après l'enterrement. Le couturier explique aussi avoir été soumis à une pression intense avec la masse de travail qu'il s'imposait - défilés, collections, voyages... "J'aime beaucoup la création, mais avec tout ce qu'il y avait à gérer, il y avait une énorme pression", justifie-t-il.
Galliano raciste ?
"Ce ne sont pas mes opinions", a répété plusieurs fois John Galliano mercredi. Le couturier, connu pour ses créations hautes en couleurs, a affirmé n'avoir "jamais eu ces convictions. Toute ma vie j'ai combattu les préjugés, l'intolérance et la discrimination". "Il suffit de regarder mon oeuvre pour voir que j'embrasse toutes les cultures, toutes les religions", a-t-il ajouté plus tard.
John Galliano a également affirmé avoir été victime de racisme et de discrimination dans son enfance, à la fois en tant que fils d'immigrés espagnols en Angleterre, mais aussi en tant qu'homosexuel. "Vous savez combien les enfants peuvent être cruels", a-t-il lancé à la cour.
L'homme que l'on voit sur la vidéo et qui insulte les gens au hasard est "l'ombre de John Galliano". "Je vois quelqu'un qui est à bout et qui a besoin d'aide", dit encore le couturier.
10.000 euros d'amendes requis
La procureure de la République a requis "au moins 5.000 euros" d'amende pour chaque dossier, soit 10.000 euros minimum, à l'encontre de John Galliano. Pour Anne de Fontenette, on juge "le racisme de comptoir, de parking, de supermarché". C'est "une dispute de bar qui va faire le tour du monde", dit-elle. "C'est toujours difficile de se rappeler qu'on a été quelqu'un de moche", lui lance la procureure dans son réquisitoire.
Du côté des victimes, la première plaignante ne demande qu'un euro symbolique de dommages et intérêt, estimant que le couturier a déjà été condamné en se faisant licencier de la maison Dior et de sa propre maison de couture après la médiatisation de l'affaire. Le jugement a été mis en délibéré au 8 septembre prochain.
Le cafouillage de la journée
John Galliano parle français mais il a préféré s'exprimer à l'audience dans sa langue maternelle, l'anglais. Comme le prévoit la loi, une interprète était à ses côtés pour traduire tous les propos. Malheureusement, il est vite apparu que la jeune femme ne comprenait pas l'accent britannique du couturier. Après quelques erreurs et traductions approximatives, c'est finalement l'avocat de John Galliano qui a servi de traducteur, pendant que l'interprète est allée s'assoir sur le banc des accusés...