Que l’enseignement privé descende dans la rue pour défendre ses intérêts, la chose est rare mais pas inédite. Mais que les syndicats du secteur appellent à se joindre à ceux du public, à l’initiative de la grande grève dans l’éducation de mardi, c’est là du jamais vu.
"Après 32 ans d’enseignement, c’est la première fois que je me mets en grève. Je vais donc laisser mes élèves. Je ne m’en occuperai pas, alors que j’ai fait ce métier il y a 32 ans pour être avec mes élèves", explique Rémi Chabert, enseignant dans une école primaire privée du 15e arrondissement de Paris et qui illustre la détresse des professeurs du secteur privé. "J’avais ma réunion de parents vendredi dernier. Je leur ai dit, je leur ai expliqué pourquoi j’étais en grève et je pense qu’ils m’ont compris. S’ils me voient en grève aujourd’hui, c’est que vraiment, il y a urgence", estime l’instituteur, interrogé par Europe 1.
"Vraiment, il y a urgence" :
Comme ses collègues, Rémi Chabert pointe les suppressions de poste. Pour la rentrée 2011, 1.433 postes ont été supprimés dans le seul secteur privé, alors que les effectifs ont augmenté de 60.000 élèves. En 2012, 1.350 suppressions d'emplois sont à nouveau envisagées rien que pour le privé. "Si le gouvernement ne comprend pas que c’est essentiel de garder des emplois dans l’enseignement, même d’en redonner plus, tout va se dégrader", prévient l’instituteur." Au ministre, je lui dirais : ‘ne supprimez plus d’emplois, il faut absolument qu’à la rentrée 2012, il y ait zéro emploi de supprimé’."
139.525 enseignants dans le privé
L’enseignement privé sous contrat avec l’Etat concerne en France entre 15 et 17% des élèves, soit plus de 2 millions d’écoliers, collégiens et lycées. Ces élèves sont encadrés par 139.525 professeurs. S’ils ne sont pas fonctionnaires, ces enseignants sont tout de même payés par l’Education nationale, sous le statut d’agents de droit public. Ils font le même nombre d’heures que leurs collègues du public, et doivent suivre les mêmes programmes.
C’est donc logiquement que l’Education nationale ne les épargne pas en termes de suppressions de postes. Sauf que le secteur privé ne dispose pas d'un réservoir de professeurs pour assurer par exemple des remplacements, contrairement au public. "Une suppression d’emploi dans le premier degré, c’est une fermeture de classe", assurait sur Europe 1 Luc Viehe, du syndicat professionnel de l’enseignement libre catholique, début septembre. "Une suppression d’emplois dans le second degré, c’est l’offre de formation qui est réduit, donc moins d’options par exemple. Ce sont aussi des établissements qui peuvent fermer, faute d’enseignant. Ce sont enfin des classes surchargées dans d’autres endroits."