Après avoir raillé le projet de François Hollande d'instaurer une dernière tranche d'imposition à 75%, Nicolas Sarkozy a lui-même décidé de dégainer une promesse de campagne forte de symbole en matière fiscale : lier les impôts à la nationalité pour forcer les exilés fiscaux à payer leurs impôts en France.
La plupart des deux millions d'expatriés français qui ne perçoivent que leur salaire seraient épargnés, cette mesure ne s'appliquant qu'aux dividendes, plus-values et intérêts, a pris soin de préciser Nicolas Sarkozy. Mais parmi les exilés fiscaux, ces précisions n’y font rien : ils oscillent entre ironie et exaspération.
"Ce sera difficile à mettre en application"
Parmi les quelque 200.000 Français présents en Belgique, entre 2.000 et 5.000 seraient des exilés fiscaux, selon les estimations. Dominique est l’un d’eux, il vit à quelques kilomètres de la métropole lilloise mais assez loin des autorités fiscales. Installé en Belgique depuis une dizaine d’années, il assume tranquillement son statut d’exilé fiscal : une belle propriété, une entreprise qui sera épargnée par les droits de succession et aucun sentiment de culpabilité.
Le projet de Nicolas Sarkozy ne semble pas l’avoir troublé : il s’agit à ses yeux d’une promesse de campagne qui mettra du temps à se concrétiser. "Il se doit de prendre des mesures qui incitent les gens à ne pas partir mais je crois que ce sera difficile à mettre en application, cela ne va pas se faire en une journée : il faudra plusieurs années avant que ce soit vraiment opérationnel", estime-t-il.
"Encore quelques belles années"
Dominique se montre malgré tout un peu exaspéré : "les gens qui ont passé la frontière ne sont pas prêts de revenir dans les conditions actuelles. Ceux qui sont sur le point de la faire, et j’en connais pas mal, je ne crois pas non plus que cela les freinera".
Et ce dernier d’ajouter : "cela ralentira peut-être un peu le phénomène mais comme la mise en application sera difficile, je crois qu’il y a encore quelques belles années pour les gens qui souhaitent d’expatrier. L’avantage est tellement évident pour l’instant qu’il n’y a pas photo".
Le "discours d’un homme paniqué"
Direction la capitale belge, Bruxelles. Lotfi Belhassine s’y est installé il y a 14 ans pour des raisons fiscales et n’est pas prêt de revenir en France. Visiblement bien informé, l’ancien patron d’Air liberté et de Club Aquarius ironise même sur la faisabilité d’une telle annonce.
"Cela n’est pas applicable. Il y a des conventions qui sont faites avec les pays et les délais de dénonciation tels qu'ils sont son quinquennat sera passé avant qu’il y ait une modification des conventions fiscales", rappelle-t-il.
"Cela ne me fait ni chaud ni froid", réagit Lotfi Belhassine :
Taxer l'exil fiscal, "discours d'un homme paniqué"par Europe1fr"Il y a quelques mois, c’était le bouclier fiscal, maintenant c’est attraper les Français au lasso : je trouve le discours totalement incohérent", poursuit celui qui est par ailleurs le fondateur de la chaîne de télévision Liberty TV, avant de conclure : "c’est le discours d’un homme paniqué qui dira n’importe quoi pour être élu".
"Maintenant tu me trouves une autre nationalité"
Dans l’autre destination prisée des exilés fiscaux, la Suisse, l’ambiance est tout autant à la critique. Pire, Philippe Kenel, avocat fiscaliste au sein du cabinet Python et Peter à Genève, reçoit désormais des appels de gros patrimoines prêts à renier leur nationalité pour ne pas payer d’impôts. "C’est la première fois en 25 ans de carrière que des Français me disent qu’ils veulent renoncer à la nationalité française", confie-t-il.
"Hier matin j’ai deux personnes, une qui est venue me voir, l’autre qui m’a téléphoné, en me disant ‘maintenant c’est terminé, je ne veux plus entendre parler de la France. Je suis sérieux, maintenant tu me trouves une autre nationalité’", assure Philippe Kenel.
Et l’avocat fiscaliste d’ajouter : "c’est parce qu’il avait vu Sarkozy la veille et il m’a dit ‘je veux renoncer à ma nationalité française’. Ce que m’ont dit mes clients, c’est ‘maintenant, c’en est trop, j’arrête tout’". Entre leur nationalité et leur argent, leur choix est fait.