Internet : les Français "sont bien lotis"

La concurrence entre plusieurs opérateurs permet aux internautes français de bénéficier de tarifs parmi les plus bas du monde.
La concurrence entre plusieurs opérateurs permet aux internautes français de bénéficier de tarifs parmi les plus bas du monde. © MaxPPP
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DECRYPTAGE - Nos offres Internet sont parmi les plus intéressantes au monde. Jusqu'à quand ?

Habitués à débourser une trentaine d'euros pour une offre classique comprenant Internet illimité, téléphone et télévision, les clients accepteront-ils d'en payer le double ? La question est posée depuis vendredi. Un document de travail de la Fédération française des Télécoms a dévoilé l'envie des grands opérateurs de limiter l'accès à Internet dans les foyers français.

Europe1.fr décrypte avec Edouard Barreiro, en charge des questions numériques à l'association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, une décision qui pourrait s'avérer lourd de conséquences pour le budget des ménages.

Des tarifs parmi les plus bas du monde. La concurrence entre plusieurs opérateurs (SFR, Orange, Bouygues, Free, Numericable…) permet aux utilisateurs français de bénéficier de tarifs parmi les plus bas du monde. Tous les pays n'ont pas cette chance. "Sur le marché américain, il n'y a que deux acteurs. Les prix sont tellement élevés qu'une grande partie de la population est obligée d'utiliser les vieux modems 56 kbits, ceux avec lesquels il nous fallait dix minutes pour se connecter", raille Edouard Barreiro. "En Belgique, pour 30 euros, vous avez Internet seul et plafonné en nombre de données". L'offre triple-play (Internet, télé, téléphone) se retrouve à 70 euros.

Les prix ont atteint un plancher. L'objectif de la réforme "est bien sûr d'augmenter les prix sur la majorité des gens". Et pour Edouard Barreiro, pas de doutes, les prix ne baisseront pas, au contraire. "A deux ou trois euros près, on ne paiera jamais moins. Les offres sont tellement basses aujourd'hui qu'on ne peut pas être plus compétitifs", clame-t-il, en argumentant : "quand Free reçoit 30 euros d'abonnement, il en donne dix à France Télécom parce qu'il loue la partie terminale de son réseau". Une contrainte qui pèsera en faveur d'une hausse des prix.

Un changement d'habitudes. L'augmentation des prix et la limitation de la consommation apporteraient de grands bouleversements dans notre rapport avec Internet. "Au Canada, comme Internet est très cher et qu'il y a des limitations de quantité, les services de streaming comme Spotify ou Deezer ne marchent pas. Ou alors, les utilisateurs ne peuvent pas utiliser des logiciels pour téléphoner gratuitement comme Skype parce que ça consomme trop de données", explique le spécialiste d'UFC-Que choisir. "On va vers une consommation numérique beaucoup plus pauvre", estime-t-il.

Free, éternel trouble-fête. Si la France dispose de prix aussi compétitifs, elle le doit à Free, "agitateur du marché", selon Edouard Barreiro. "Quand Free est arrivé, il a imposé un standard à 30 euros et les autres opérateurs ont été obligés de suivre". Décideur plus que suiveur, Free s'est déclaré "plus que réservé sur la pertinence d'une telle proposition, à l'encontre des fondamentaux" de la marque. Numericable, via un communiqué, a aussi tenu à se dissocier de la démarche. L'opérateur "n’est en rien associé aux réflexions en cours concernant la limitation des usages de l’Internet fixe".

A noter que ces deux opérateurs ne sont plus, depuis plusieurs années, affiliés à la Fédération française des Télécoms. Pour autant, Edouard Barreiro craint qu'en cas de gain conséquent des autres opérateurs, ils ne soient tentés de les rejoindre dans une hausse générale des prix. Mais il tente de se rassurer : "est-ce que les autres opérateurs auraient intérêt à le faire, au risque de voir tout le monde migrer" à la concurrence.