La garde des Sceaux a présenté mercredi en Conseil des ministres sa circulaire de politique pénale. Dans ce texte de 14 pages envoyé à tous les procureurs, Christiane Taubira défait des réformes du quinquennat Sarkozy. Que faut-il retenir de cette feuille de route ? Europe1.fr vous donne les clés en trois minutes chrono.
>>> Le message général : " je vous ai compris"
Christiane Taubira souhaite renouer le dialogue avec les magistrats, qui entretenaient des relations houleuses avec Nicolas Sarkozy. "L'ancienne majorité ne faisait pas confiance aux juges, ça n'est pas un mystère, elle l'a dit en termes fortement déplaisants, pas seulement envers les personnes, mais envers l'institution et la dignité de la charge", prend soin de rappeler la ministre, dans une interview au Monde. A peine arrivé à l’Elysée, Nicolas Sarkozy avait en effet provoqué un tollé dans le monde judiciaire avec cette phrase devenue célèbre : "je n'ai pas envie d'avoir le même moule, les mêmes personnes, tout le monde qui se ressemble aligné comme des petits pois, la même couleur, même gabarit, même absence de saveur". Les "petits pois" magistrats avaient moyennement apprécié.
>>> Fini l’automaticité, place à l’individualisation
La phrase. "Toute décision doit être individualisée, même dans les contentieux répétitifs (circulation routière, vol à l'étalage)", en tenant compte "des éléments de fait, du contexte et de la personnalité des mis en cause".
Et ça veut dire quoi ? La ministre de la Justice demande trois choses aux magistrats. D’abord, un recours limité aux peines planchers. Ce dispositif instauré en 2007, peu de temps après l’élection de Nicolas Sarkozy, entraîne l’automaticité de certaines peines, en cas de récidive. Dans sa circulaire, Christiane Taubira demande aux procureurs "de tenir le plus grand compte dans (leurs) réquisitions et (leurs) choix de poursuites, de la situation personnelle, sociale et économique de chaque prévenu". Deuxième recommandation : un usage plus mesuré de la comparution immédiate, qui représente aujourd’hui un tiers des incarcérations. Enfin, la garde des Sceaux rappelle aux procureurs que la justice des mineurs doit être différente de celle des adultes. La ministre réaffirme ainsi son opposition aux tribunaux correctionnels pour les mineurs récidivistes, de 16 à 18 ans, instaurés par la précédente majorité.
>>> En finir avec le tout carcéral
La phrase. "L'opinion a été intoxiquée par un discours sommaire qui consiste à dire que tout délinquant est un criminel en puissance qu'il faut enfermer".
Et ça veut dire quoi ? Christiane Taubira entend limiter le recours à la prison aux "situations qui l'exigent strictement", conformément à la loi pénitentiaire de 2009. Surtout, la ministre de la Justice souhaite faire de l'aménagement des peines (qui concerne aujourd’hui 20% des détenus) "une priorité de sa politique pénale". L’objectif est de lutter contre la récidive. Cette politique pénale s’appuie notamment sur une étude française, publiée en mai 2011 (pour consulter le document en PDF, cliquez ici), qui établit un lien entre prison et récidive. Selon cette recherche, cinq ans après leur condamnation, 63 % des sortants de prison n’ayant pas bénéficié d’un aménagement de peine récidivaient, contre 39 % pour des détenus ayant obtenu une libération conditionnelle.