Le juge Renaud van Ruymbeke cherche à établir si, dans le dossier Karachi, des faits de corruption étaient cachés derrière des contrats de vente d'armement. Pour cela, il entend depuis 14 heures jeudi Dominique de Villepin. Reçu comme témoin dans cette affaire, l'ancien Premier ministre est arrivé par une porte dérobée au tribunal de grande instance de Paris. Son audition devrait durer plusieurs heures.
De "très forts soupçons" de corruption
L'ancien Premier ministre avait fait état vendredi de "très forts soupçons" de corruption - les "rétrocommissions" - en 1995 vers des décideurs français en marge de deux contrats d'armement. Des propos qu'il a confirmés dimanche, tout en précisant qu'il n'y avait "pas de preuve formelle". Il avait alors demandé à être entendu par le juge van Ruymbeke qui enquête depuis la rentrée sur un volet financier du dossier de l'attentat, qui avait causé la mort de 15 personnes dont 11 Français dans la ville pakistanaise de Karachi en mai 2002.
"Monsieur de Villepin n'entend mener aucun combat politique, mais simplement faire état, par respect des victimes et souci de vérité, de tout ce qu'il a eu à connaître en tant que secrétaire général de l'Elysée" lorsque Jacques Chirac a ordonné en 1995 l'arrêt de certaines commissions, a déclaré lundi son avocat, Me Olivier Metzner. Le président Chirac avait ordonné à son arrivée à l'Elysée la révision des contrats d'armement ayant pu donner lieu à de telles rétrocommissions.
Jacques Chirac a "souhaité moraliser la vie publique internationale, c'est-à-dire interrompre tous les contrats qui avaient ou pouvaient donner lieu à rétrocommissions", avait expliqué l'ancien Premier ministre vendredi soir. Ces rétrocommissions "illégales" revenaient "vers la France vers des personnes, des personnalités, politiques ou non politiques", a-t-il ajouté sans donner de noms.
L'"intime conviction" de Millon
Ministre de la Défense dans le gouvernement d'Alain Juppé en 1995, Charles Millon est le premier responsable politique à avoir fait état devant le juge Van Ruymbeke le 15 novembre de son "intime conviction" quant à l'existence d'une telle corruption dans deux contrats, à savoir Sawari II (vente de frégates à l'Arabie saoudite) et Agosta (vente de sous-marins au Pakistan).
Parallèlement, le juge antiterroriste chargé de l'enquête sur l'attentat de 2002, Marc Trévidic, pourrait également être intéressé par les déclarations de Dominique de Villepin. L'ancien Premier ministre estime qu'"aucun lien" ne peut être fait entre l'arrêt des commissions décidé en 1995 et l'attentat du 8 mai 2002. Le juge Trévidic travaille sur l'hypothèse d'un tel lien, qu'aucun élément n'a encore étayée. "A ma connaissance, il n'y a aucun lien. Nous sommes dans un cas en 1995, nous sommes dans l'autre cas en 2002, ce n'est pas le même gouvernement pakistanais, ce ne sont pas les mêmes circonstances au Pakistan", avait déclaré l'ancien Premier ministre.