C’est l’accusation portée par plusieurs magistrats mais aussi par des politiques.
Au cœur de l’affaire Karachi, plusieurs indices tendent à montrer que les hautes sphères politiques sont au courant de l’évolution de l’enquête judiciaire. Il y a ainsi cette information du Monde daté de vendredi selon laquelle Brice Hortefeux, ancien ministre de l'Intérieur, était informé des déclarations accusatrices à la police de l'épouse de Thierry Gaubert, l’un des protagonistes-clés de l'affaire. Et jeudi, un communiqué de l’Elysée affirmait que le nom de Nicolas Sarkozy ne figurait dans aucune pièce ni aucun témoignage. Outre son inexactitude, cette affirmation laissait à penser que la présidence de la République avait un accès exhaustif au dossier.
"Incursions scandaleuses de l'exécutif"
Cela n’a pas échappé aux magistrats, attachés au secret de l’instruction, qui édicte que "toute personne qui concourt à (une) procédure (judiciaire) est tenue au secret professionnel", selon les textes. Et si la hiérarchie policière et le Parquet peuvent faire remonter des informations à leur ministère de tutelle, l’Intérieur et la Justice, si un procès-verbal ou un rapport judiciaire est transmis à l’Elysée, cela constitue une infraction pénale.
D’où la stupéfaction du président de l'Union syndicale des magistrats (USM), syndicat majoritaire, Christophe Régnard, qui avait jugé dès jeudi "assez incroyable que l'Elysée reconnaisse aussi benoîtement qu'il a eu accès à des pièces". Le Syndicat de la magistrature s’était de son côté indigné, par la voix de son secrétaire général Matthieu Bonduelle, "des incursions scandaleuses de l'exécutif, en particulier de l'Elysée, dans le cours de la justice".
Et l’information concernant Brice Hortefeux n’a évidemment rien fait pour apaiser leur courroux. "Ça mérite des investigations pour savoir comment Brice Hortefeux a eu accès à ces documents. Il faut qu'il y ait un peu de cohérence et, surtout, on doit laisser la justice travailler en toute indépendance", a déclaré Christophe Régnard vendredi. "Il y a de fortes suspicions de violation du secret de l'instruction. Il faut ouvrir une information judiciaire sur cette violation, confiée à un magistrat indépendant", a ajouté Matthieu Bonduelle.
"L'Elysée doit s’expliquer"
Les magistrats ont été rejoints vendredi par les politiques sur ce même thème de la violation du secret de l'instruction. "Ce que je n'accepte pas, c'est que le pouvoir puisse être tenté de faire pression sur la justice, voire d'avoir des interférences, y compris téléphoniques, avec telle ou telle personnalité qui a pu être gardée à vue", a déclaré François Hollande, favori de la primaire socialiste, lors d'un déplacement à Angoulême. "L'Elysée doit s’expliquer", a estimé pour sa part Marie-Pierre de la Gontrie, secrétaire nationale du PS à la justice, dans un communiqué.
Pour Europe Ecologie-Les Verts, les affirmations contenues dans le communiqué de l'Elysée "sont pour le moins troublantes, puisqu'elles indiquent clairement que la plus haute autorité de l'Etat, garante de l'indépendance de la justice, aurait eu une connaissance exhaustive de l'ensemble des pièces d'un dossier d'instruction, ce qui constituerait une violation de l'article 11 du code de procédure pénale", écrit le député François De Rugy.
A droite, Frédéric Lefebvre a volé au secours de Nicolas Sarkozy, sur qui l’étau semble se resserrer. "Je souhaite pour mon pays que tous les hommes et toutes les femmes politiques soient aussi intègres que l'est le président de la République", a lancé le secrétaire d’Etat au Commerce sur France 2.