Alors que les langues commencent à se délier, les progrès de l’enquête sur l’attentat de Karachi dépendent désormais de l’accès à plusieurs documents encore tenus secrets, soit par le ministère de la Défense, soit pas les politiques.
Nicolas Sarkozy a promis samedi que tous les documents seront fournis "en temps et en heure" à la justice. Mais quel genre de documents les juges peuvent-t-ils encore trouver pour l'enquête ?
Des documents secret défense
Les progrès de la justice dépendent en grande partie de l’accès des enquêteurs à des documents encore classés secret défense. L’ex-ministre de la Défense Hervé Morin assure pourtant que tous ont déjà été déclassifiés.
C’est parmi ces documents de l’armée que les magistrats pourraient trouver des traces des commissions versées en marge du contrat d’armement signé avec le Pakistan. Les enquêteurs cherchent également à savoir si les services de renseignement connaissaient déjà l’existence d’une menace pour les Français travaillant à Karachi.
Le nouveau ministre de la Défense Alain Juppé a promis que "les documents qui pourraient intéresser les juges d'instruction" seront "déclassifiés"... si la commission sur le secret défense l'autorise. Cet organisme est le seul compétent pour autoriser l'accès à des documents ou des lieux dont l'accès est restreint.
Le juge d'instruction Renaud Van Ruymbeke souhaitait également perquisitionner le locaux de la DGSE à Paris pour saisir notamment la retranscription des écoutes téléphonique d'un ancien collaborateur de Philippe Léotard, ministre de la Défense entre 1993 et 1995. Mais François Fillon a refusé d'accéder à cette requête., en se basant encore sur l'avis de la commission sur le secret défense, qui s'y est opposé.
Des documents détenus par les instances politiques
Deux autres documents pourraient grandement aider la justice. Ce sont tout d’abord les délibérés du Conseil constitutionnel suite à la campagne présidentielle de 1995. Ses membres ont notamment validé les comptes de campagne d'Edouard Balladur, alors que de récentes recherches ont prouvé qu’il ne pouvait justifier la provenance de 10 millions de francs (environ 1,5 million d’euros).
Les auditions de la mission parlementaire consacrée à l’attentat constituent une autre source importante d’informations pour l’enquête. Le juge anti-terroriste Marc Trevidic a bien demandé il y a plusieurs mois d’y avoir accès.
La justice face à “la séparation des pouvoirs“
Face aux demandes des magistrats, ces deux institutions ont refusé toute intrusion de la justice dans la sphère politique. L’actuel président du Conseil constitutionnel, Jean-Louis Debré, a opposé mercredi le secret du délibéré à la justice. Le président de l'Assemblée Bernard Accoyer a aussi refusé l’accès aux auditions de la mission parlementaire, invoquant la séparation des pouvoirs entre politique et justice.
Face à ces refus de plusieurs institutions politiques, les proches des victimes en sont convaincues : il existe des documents qui étayent la thèse de représailles suite à l’arrêt du versement de commissions. Une thèse déjà développée dans le rapport "Nautilus", l’un des rares documents rédigés par les services secrets français auquel la justice a pu avoir accès.