L'INFO. Il était connu comme "l'avocat du milieu". En 2007, en plein Paris, Karim Achoui a bien failli mourir sous les balles de tueurs professionnels. Le procès de cette tentative d'assassinat s'est ouvert mardi devant la cour d'assises de Paris. Dans le box des accusés, six individus, fichés au grand banditisme mais sans mobile apparent. Karim Achoui, radié du barreau en 2012 pour des manquements déontologiques, persiste quant à lui à accuser un policier d'avoir commandité l'action.
• Les faits. L'attaque se produit le 22 juin 2007, peu avant 22 heures, dans les beaux quartiers de la capitale. Karim Achoui, avocat pénaliste qui s'est forgé une réputation en défendant des figures du milieu, sort de son cabinet du boulevard Raspail, en compagnie de son amie. Le couple se dirige vers leurs véhicules quand deux hommes surgissent alors à moto. Le passager, casque vissé sur la tête, dégaine une arme de poing et ouvre le feu : l'arme s'enraye mais l'ex-avocat est atteint par deux balles de gros calibres.
• Les accusés. Parmi les accusés appelés à comparaître jusqu'au 4 octobre, figurent le tireur présumé, Ruddy Terranova, formellement identifié par Karim Achoui, et le pilote présumé de la moto sur laquelle deux hommes avaient pris la fuite, Mamadou Ba. A leurs côtés seront jugés Djamel Hakkar qui, selon l'accusation, aurait commandité l'action depuis sa cellule, et trois hommes présentés comme des intermédiaires de l'opération, Jacques Haddad, figure du grand banditisme, Brahim Bordji et Nordine Kherbache. Aucun n'a reconnu les faits et l'instruction n'a pas permis de déterminer leur mobile.
• Ce qui ressort de l'instruction. L'essentiel de la bande a été identifié à partir de renseignements "anonymes" parvenus à un commissaire de la police judiciaire de Versailles. La localisation de leurs téléphones et divers témoignages ont permis aux enquêteurs parisiens d'étayer ces premières informations. Selon l'accusation, une partie du groupe aurait notamment participé à une réunion préparatoire le 13 juin au soir au domicile de Ruddy Terranova à Aubergenville, dans les Yvelines. Un témoin clef a également dit avoir été sollicité courant juin par Terranova pour piloter la moto utilisée lors de la tentative d'assassinat mais avoir refusé. Il s'est depuis rétracté.
• Karim Achoui défend sa version. Mardi au tribunal, Karim Achoui espère bien faire entendre au juge sa version des faits, digne des meilleurs polars. L'histoire d'un avocat sulfureux, victime d'un tueur à gages à la solde de policiers jaloux de ses succès professionnels, comme il a rappelé mardi au micro d'Europe 1. "J'ai émis une conviction, qui n'a pas varié depuis 6 ans : je considère encore aujourd'hui que l'ombre d'un commissaire de police de l'antigang de Versailles rôde dans cette affaire", a-t-il indiqué.
"Les relations, les maillages téléphoniques qui ont été reconstitués au travers des fadettes et la géolocalisation, nous permettent d'être certains que ces deux hommes, le tireur présumé et ce fonctionnaire de police, étaient dans des rapports extrêmement proches, extrêmement étroits, entre la période où l'attentat se préparait, a été commis et juste après", a encore précisé Karim Achoui.
• Le retour de l'ex-avocat ? Il ne faut pas s'attendre à ce que Karim Achoui arrive mardi au palais de Justice en prenant la posture de la victime éplorée. L'ancien pénaliste est toujours flamboyant et il veut que cela se sache. Silhouette filiforme, costume éternellement chic, il compte bien profiter du procès pour braquer les projecteurs sur lui et faire son grand retour dans un monde judiciaire qu'il a quitté par la petite porte. Radié du barreau pour des manquements déontologiques en 2012, l'ex-défenseur d'Antonio Ferrara, le "roi de la belle", a connu la disgrâce. Avant d'être innocenté, il a même un temps connu la prison dans l'affaire de la spectaculaire évasion de son braqueur de client à la prison de Fresnes.
>> L'évasion d'Antonio Ferrara de la prison de Fresnes (Ina) :
Un retour en pleine lumière que Me Michel Konitz, avocat du tireur présumé, confie accueillir avec dégoût au micro d'Europe 1. "Ça me dégoute parce que je pense que la justice, ce n'est pas un show. Ce n'est pas un retour médiatique orchestré, la justice c'est plus sérieux", assure-t-il. "Je pense que le temps des paillettes et des thèses délirantes sur le complot policier est terminé. On va être plus sérieux et on va essayer de savoir pourquoi on a tiré sur Achoui", poursuit le conseil. "Vous verrez que sa carrière montre que des centaines de gens lui en voulaient. Lui-même a d'ailleurs indiqué qu'il pensait que certains de ses anciens clients pouvaient être l'origine (de cette tentative d'assassinat). Donc travaillez un peu, regardez qui il était et arrêtons le cinéma s'il vous plaît, merci !", conclut Me Konitz.
Dernièrement, Karim Achoui a joué son propre rôle dans le "teaser" d'un film, qui reste à tourner, sur son histoire. Il tente surtout de renaître avec la création d'un cabinet d'avocat entièrement dédié aux victimes d'agressions islamophobes. Mais Karim Achoui a également écrit un livre sur son histoire, dans lequel il étaye sa version des faits de sa tentative d'assinat. Avec un titre qui apparaît d'ailleurs comme l'annonce d'une ultime plaidoirie : "L' avocat à abattre".