Costume bleu sombre, chemise blanche au col ouvert, Jérôme Kerviel s'est déclaré sans profession et "actuellement" sans revenus, lundi matin, à l'ouverture de son procès en appel. L'ancien trader de la Société générale est rejugé pour la perte colossale que la banque l'accuse d'avoir provoquée en 2008. Jérôme Kerviel, qui avait été condamné en 2010 à cinq ans de prison et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts, a une nouvelle fois mis en cause sa hiérarchie.
"J'ai toujours agi en connaissance de cause de ma hiérarchie"
"Je considère que je ne suis pas responsable de cette perte et des faits qui me sont reprochés. J'ai toujours agi en connaissance de cause de ma hiérarchie", a affirmé à la barre Jérôme Kerviel, sous le feu des questions de la président du tribunal. Sans question de procédure soulevée par les parties, les débats sont entrés directement dans le vif du sujet, la présidente interrogeant d'emblée Jérôme Kerviel sur son mandat de trader et des limites qui allaient avec, qu'il est accusé d'avoir pulvérisées.
"Mon mandat était de gagner de l'argent pour la banque", a expliqué sans détour Jérôme Kerviel. Pourtant, une "charte déontologique" et un "cahier des procédures de trading" - que tout trader est amené à signer à son arrivée dans la banque - invitent les salariés à se montrer "loyal vis-à-vis de la Société générale et ne pas nuire à ses intérêts", à "couvrir" ses positions, "être de bonne foi", "ne pas chercher à gagner de l'argent en faisant décaler le marché", a égrené la présidente du tribunal. "Pour être très franc avec vous, je l'ai pas lue à l'époque. Mais oui, je l'ai signée", a répondu Jérôme Kerviel.
La magistrate a ensuite rappelé que le "desk" où travaillait Jérôme Kerviel avait l'obligation de limiter son engagement collectif quotidien à 125 millions d'euros. Une consigne, renouvelée chaque jour par mail, qui n'empêchait pas les traders de la dépasser fréquemment, mais jamais au-delà de 200 millions, a constaté la présidente au vu du dossier.
"Il y a une différence entre les procédures et la vraie vie"
Jérôme Kerviel est, lui, accusé d'avoir pris des positions allant jusqu'à plusieurs dizaines de milliards d'euros. "Trente milliards, c'était une erreur de ma part (...), c'était évidemment extravagant", a-t-il reconnu. Pour l'ancien trader, les limites fixées étaient "informelles". "Aux questions sur les règles écrites, Kerviel répond, invariablement : "ce n'est pas comme ça que ça fonctionne"", écrit ainsi sur Twitter Nicolas Cori, de Libération. "Il y a une différence entre les procédures et la vraie vie", poursuit Kerviel, cité sur Twitter par Valérie de Senneville, des Echos.
"On dépassait mais tout le monde s'en fichait",a encore assuré Kerviel à la barre. Une affirmation confirmée par plusieurs dépositions d'anciens collègues de Jérôme Kerviel. "La présidente lit plusieurs témoignages à décharge de collègues-traders qui confirment que la limite de 125 M€ était poreuse", poursuit Nicolas Cori.
Avant le début des débats, le nouvel avocat de Jérôme Kerviel, Me David Koubbi s'était dit convaincu qu'"une décision de relaxe" serait prononcée. Du côté de la Société générale, on raillait le "bruit médiatique" de ce nouveau procès, estimant qu'il n'y a "strictement aucun argument nouveau".