Le (triste) chiffre. Dix salariés d'Orange (ex-France Télécom) se sont suicidés depuis le début de l'année, soit "presque autant qu'au cours de toute l'année 2013", assure mardi l'Observatoire du stress et des mobilités forcées, y voyant un motif de "grave alerte". La majorité de ces suicides "ont une relation explicite au travail", déplore-t-il encore. L'organisme avait été créé par des syndicats de France Télécom (CFE-CGC et SUD) peu avant le début de la vague de suicides qui avait frappé le groupe en 2008-2009. Il y recense depuis les drames. Pour l'ensemble de l'année 2013, 11 suicides avaient été recensés au sein du groupe.
Orange ne dément pas. Sollicitée par l'AFP, la direction d'Orange a reconnu avoir connu "depuis le début de l'année plusieurs suicides". "Chacun de ces actes est par nature singulier et renvoie à des contextes différents. Néanmoins, ces situations nous rappellent à la vigilance", poursuit l'entreprise. Elle souligne par ailleurs que le médiateur du groupe, Jean-François Colin, rencontrera vendredi les représentants du personnel au Comité national d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CNSHSCT) "pour échanger avec eux sur les dispositifs de prévention des conduites à risques", ce qui "permettra le cas échéant de renforcer ou compléter ces dispositifs".
"Au fond du trou". L'Observatoire, dont les données ont d'abord été publiées par Mediapart, rapporte que le climat social avait été "apaisé" au sein de l'entreprise qui emploie environ 100.000 personnes. Cet apaisement avait notamment été obtenu grâce au "contrat social" lancé après la crise en septembre 2010, qui prévoyait 10.000 recrutements. Mais "on retrouve dans l'entreprise d'aujourd'hui les facteurs structurels de la crise 2007-2009"
Les syndicats du groupe avaient d'ailleurs déjà émis à l'unanimité un droit d'alerte le 18 février, "concernant la mise en danger de la santé et la sécurité des salariés". "En l'espace d'un an la situation s'est dégradée", disaient-ils, évoquant notamment les "suppressions d'emplois programmées sur plusieurs années et l'insuffisance de recrutements" et soulignant, sans les chiffrer, que "la recrudescence de suicides survenus depuis le 1er janvier 2014 nous interpellent tous".
Dans un contexte très concurrentiel pour l'ensemble du secteur télécom, Orange qui a des effectifs vieillissants, table sur 30.000 départs naturels d'ici à 2020, qui ne seront que partiellement remplacés. Pour l'observatoire du stress, "cette décrue de l'effectif n'a pas d'équivalent dans les grandes entreprises françaises depuis deux décennies" et accroît la charge de travail pour ceux qui restent. Conclusion de Christian Mathorel, de la CGT : "la situation est en train de dégénérer à nouveau. En 2008, on ne nous a pas écoutés. Un an plus tard, on était au fond du trou."