L’INFO. Plus on avance, plus il est difficile de définir des frontières claires entre les différents mouvements de contestation qui secouent le pays depuis quelques semaines. Dimanche, l’association de la “Manif pour tous” organise un grand rassemblement national à Paris. Le mot d’ordre est simple : s’opposer à la Procréation Médicalement Assistée (PMA), à la Gestation Pour Autrui (GPA) et à l’enseignement de la “théorie du genre” à l’école. François Hollande a rappelé qu’il trouvait “légitime” l’expression du mécontentement tout en appelant à la “vigilance” suite aux débordements du “Jour de colère”. Du côté des manifestants, on s’organise pour ne pas être noyauté par des groupuscules extrémistes.
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Qui manifeste dimanche ?
En tout, ce sont une trentaine de collectifs et d’associations, rassemblés sous la bannière de la “Manif pour tous”, qui défileront dimanche. On y retrouve des associations qui se sont faites un nom pendant les manifestations contre la loi sur le mariage pour tous, comme Alliance Vita ou les Veilleurs. La plupart ont un lien plus ou moins direct avec les religions catholiques, musulmanes ou protestantes. Selon les informations d’Europe 1, les services de renseignement estiment que la manifestation pourrait rassembler environ 100.000 personnes.
Une manifestation étant ce qu’elle est, il est également possible que d’autres mouvements, déclarés ou non, viennent s’ajouter aux rassemblements. Le collectif Vigi Gender, mobilisé contre les “ABCD de l’égalité” qui font l’objet d’une polémique autour de l’enseignement hypothétique de la “théorie du genre” à l’école, a par exemple annoncé sa présence à la manifestation.
La manifestation pourrait-elle être infiltrée ?
Les craintes se concentrent surtout sur de la présence potentielle d’éléments radicaux lors de la manifestation. Les débordements à l’issue du rassemblement du “Jour de colère”, dimanche 26 janvier, sont très frais dans les esprits. Frigide Barjot, égérie du mouvement contre la loi sur le “mariage pour tous” de 2013, a d’ailleurs annoncé qu’elle ne serait pas présente dans la manifestation de dimanche, jugeant que les derniers rassemblements se caractérisaient “par leur morcellement, leur radicalisation idéologique et leur confusion, les mêmes activistes se retrouvant parfois dans l'un et l'autre cortège”.
Le problème est qu’il y a des points de contact idéologiques entre les manifestants de la “Manif pour tous” et les éléments plus virulents. “Ce monde, qui est aux frontières de l’extrême-droite et du christianisme conservateur, fonctionne, non pas avec quelques organisations qui manipuleraient tout le monde, mais plutôt sur le mode du réseau”, explique Michel Wieviorka, sociologue et historien, sur Europe 1.
L’exemple des frontières poreuses entre les mouvements a d’ailleurs été donné vendredi par Christine Boutin. La présidente du Parti Chrétien Démocrate, régulièrement présente au côté de la “Manif pour tous” en 2013, s’est exposée vendredi en compagnie de Farida Belghoul, initiatrice du mouvement contre la “théorie du genre” à l’école et proche d’Alain Soral, le président du mouvement d’extrême-droite Egalité et Réconciliation et maître à penser de Dieudonné.
Avec Farida Belghoul nous défendons les journées de retrait de l'école pour interdire la théorie du genre pic.twitter.com/QOqmxVJ0wX— Christine Boutin (@christineboutin) 31 Janvier 2014
Quel sera le parcours de la manifestation parisienne ?
Face aux risques de débordements, la question de savoir où commencerait la manifestation parisienne et où elle se terminerait a été cruciale. Elle a donné lieu à une passe d’arme juridique entre “la Manif pour tous” et la préfecture du police (PP) de Paris.
Initialement, les organisateurs souhaitaient terminer leur manifestation à la place de la Concorde. “Hors de question”, a répondu la PP. Cette dernière a proposé un terminus aux Invalides : “une souricière”, a rétorqué la “Manif pour tous”.
Le conflit s’est finalement réglé vendredi au tribunal administratif et il a été décidé que le cortège irait de l’Ecole militaire, dans le centre de Paris, à Denfert-Rochereau. Lors de l’audience, le représentant de la préfecture de police a reconnu que “l’immense majorité des personnes de la Manif pour tous (n’étaient) pas des casseurs, mais que les organisateurs ne (maîtrisaient) pas les groupent radicaux qui (s’infiltraient) dans leurs défilés”.
Que va faire la “Manif pour tous” pour éviter les débordements ?
“Il y en a marre qu’on donne à la ‘Manif pour tous’ une image fausse”, a déclaré jeudi Me Beauregard, l’avocat de l’association. Pour appuyer son propos, il a réclamé à la justice la nomination de deux huissiers de justice. L’objectif : éviter que “des interpellations en nombre soient réalisées à l’aveugle contre d’honnêtes citoyens”, mais aussi “constater l’existence de débordements (violences, slogans injurieux ou choquants) dans le temps de la manifestation et se faire préciser par les personnes présentes les motifs de leur présence et leur groupe d’appartenance”.
Mais, saisie par la préfecture de police samedi matin, la juge des référés a estimé dans l'après-midi que l'ordonnance sans débat contradictoire qui avait permis jeudi la présence de ces huissiers n'était pas fondée. "On se félicite de cette analyse", a réagi la préfecture de police de Paris. La Manif pour Tous a "pris acte que la préfecture de police ne veut pas jouer la carte de la transparence", a réagi son secrétaire général, Cédric du Rieu. La Manif pour tous "mandatera néanmoins par elle-même des huissiers comme elle en a le droit pour constater la bonne tenue de sa manifestation"
Comment le gouvernement gère-t-il le dossier ?
Une semaine après les débordements du Jour de colère, ses plus de 250 arrestations et 19 policiers blessés, le gouvernement a prévu de mettre le paquet. En tout, ce sont environ 2.500 hommes qui seront mobilisés sur Paris. Une douzaine de compagnies de CRS, une douzaine d'escadrons de gendarmes mobiles et six compagnies d'intervention parisiennes seront sur le pont, selon les informations d’Europe 1.
Un dispositif lourd qui démontre bien que des dérapages sont craints. D’autant plus que les manifestants se sont radicalisés, constate Thierry Boutier, délégué national CRS du syndicat majoritaire Unité SGP Police, au micro d’Europe 1 : "les manifestants cherchent vraiment à défier l’autorité et à agresser physiquement les forces de l’ordre en place. Il ne faut pas se tromper de cible. Mes collègues ne sont pas là pour servir de bouc-émissaire, de défouloir ou de cibles". Le ministre de l'Intérieur Manuel Valls a d'ailleurs prévenu samedi qu'il ne tolèrerait "aucun débordement" de la part des manifestants.
LES FAITS - Vaste (et violente) manifestation anti-Hollande à Paris
REACTION - Hollande dénonce les "attaques indignes" du Jour de colère
SECURITE - La Manif pour tous surveillée de (très) près
POLITIQUE - Manif pour tous : l'Elysée sur le qui-vive