Une gare désaffectée, à quelques kilomètres au nord de Paris. Oubliée pendant des années, l'ancienne gare de Bobigny va devenir un lieu de mémoire. Guillaume Pepy, le président de la SNCF, a lancé mardi les travaux de transformation et s'est expliqué sur le rôle qu'a joué la SNCF dans la Shoah. Guillaume Pepy a repris à son compte le discours du Vel d'Hiv de 1995. Jacques Chirac avait parlé de "ces heures noires [qui] souillent à jamais notre histoire".
La SNCF, "un rouage de la machine nazie"
Bien que "contrainte, réquisitionnée", la SNCF fut "un rouage de la machine nazie d'extermination", a déclaré la patron de la SNCF, avant d'évoquer "des moments terribles, des moments funestes". Guillaume Pepy a ensuite souligné "la nécessité de regarder ce passé en face, le connaître, le comprendre, en perpétuer la mémoire, en tirer une leçon de vie".
"Je veux dire la profonde douleur et les regrets de la SNCF pour les conséquences des actes de la SNCF de l'époque. En son nom, je m'incline devant les victimes, les survivants et les enfants de déportés et devant la souffrance qui vit encore", a souligné Guillaume Pepy.
"Cela fait longtemps qu’on attendait que cela devienne un lieu de mémoire et maintenant cela arrive donc c’est une bonne chose. Parce qu’il était utile de savoir ce qui s’est passé et de ne pas l’oublier. Il était temps", a réagi Gabriel Bénichou, qui fait partie des premières déportées depuis cette gare pendant la Seconde guerre mondiale.
Une démarche qui arrive à point nommé
Pendant la Seconde guerre mondiale, la SNCF a transporté plus de 75.000 Juifs vers les camps de la mort. Des heures sombres qui sont déjà passées plusieurs fois devant les tribunaux, sans que la SNCF ne soit cependant condamnée.
Dernièrement, c'est aux Etats-Unis que le rôle de la SNCF dans la déportation des Juifs est revenue sur le devant de la scène. Certains élus américains exigeaient que les compagnies impliquées dans la Shoah et qui souhaitent signer des contrats aux Etats-Unis, présentent des excuses. Comme la SCNF veut développer son train à grande vitesse outre-Atlantique, Guillaume Pepy a récemment exprimé "sa profonde peine et son regret". La compagnie a même créé un site internet, qui présente en anglais son rôle pendant la Shoah.
"Aujourd’hui, la communication est partout. Je ne vois pas, pour ma part en tant qu’historienne, la nécessité d’une telle démarche. Elle n’obéit pas aujourd’hui à une demande très particulière en France", a réagi l’historienne Annette Wieviorka. "Il y a eu la polémique après les plaintes de descendants de survivants, l’affaire du TGV aux Etats-Unis et je pense que pour l’actuel directeur de la SNCF, il faut vraiment que cette page soit tournée. Cela a de l’importance pour l’image actuelle de la SNCF", a ajouté cette spécialiste de la Shoah et de l'histoire des Juifs au XXe siècle.