Dailymotion, YouTube ou encore Viadéo sont-ils des diffuseurs comme les autres ? Assurément, estime le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), dont le président a fait savoir mercredi qu’il souhaitait leur faire respecter les mêmes obligations qu’aux chaînes de télévision classiques et autres services de vidéo à la demande (VoD).
Le CSA met en avant une nécessaire égalité de traitement mais les principaux intéressés ne l’entendent pas de la même manière : pour eux, les velléités du CSA se traduiraient surtout par de nouvelles taxes et obligations qu’ils n’ont pas à supporter.
Le CSA répète son intérêt pour le Web
Très médiatisé pendant les périodes électorales car chargé de l’égalité du temps de parole, le CSA est de manière plus générale chargé de faire respecter la loi aux éditeurs et diffuseurs de programmes audiovisuels. Pluralisme, protection des publics les plus jeunes, sanction des dérapages : le CSA est en quelque sorte le gendarme de la télévision.
Mais ce qui passait principalement par nos écrans cathodiques transite de plus en plus sur Internet : le visionnage de vidéos en ligne ne cesse de se développer et reste en dehors du champ d’action du CSA. Ce dernier a donc décidé de faire savoir son irritation et son souhait de faire appliquer à tous les mêmes règles.
Une source d’inquiétude : l’inégalité de traitement
Pour faire passer le message, le président du CSA, Michel Boyon, a envoyé une lettre à Giuseppe de Martino, le président de l'Association des Sites Internet Communautaires (ASIC), mais aussi secrétaire général de Dailymotion et membre du Conseil National du Numérique (CNN). Le contenu du courrier résume ce qu’il avait déjà confié au quotidien La Croix fin avril.
"On ne pourra pas indéfiniment faire coexister un secteur régulé, celui de l’audiovisuel, et un secteur non régulé, celui d’Internet", a-t-il prévenu dans les colonnes du quotidien, avant de s’inquiéter des effets de la télévision connectée, qui arrive depuis peu dans les magasins.
Le CSA y voit "une menace pour l’équilibre économique des chaînes. Si de grandes sociétés américaines se mettent à diffuser directement leurs films ou leurs fictions sans passer par les chaînes françaises, cela signifiera moins de ressources publicitaires pour celles-ci et donc moins de financement pour la production des œuvres".
Au-delà du symbole, une affaire d’argent
Officiellement, cette manifestation du CSA irrite les hébergeurs de vidéos parce qu’elle ressemble à une tentative de régulation "à l’ancienne" sur un domaine qui s’affranchit des frontières et privilégie l’autorégulation. "Le CSA, de peur d'être un jour démantelé, continue à rêver au jour fou où il pourrait avoir vocation à regarder ce qui passe sur Internet", a ainsi raillé Giuseppe de Martino, à la tête de Dailymotion et de l’ASIC.
De plus, le CSA néglige, à leurs yeux, une donnée fondamentale : si les chaînes de télévision sont des diffuseurs, Dailymotion et YouTube estiment n’être que des hébergeurs, sans aucune marge de manœuvre sur le contenu des vidéos diffusées, si ce n’est pour empêcher le piratage.
Mais au-delà de cette polémique, deux autres enjeux apparaissent et pas des moindres : d’une part, si le CSA régulait le secteur, il pourrait imposer une contribution à la création audiovisuelle, au même titre qu’une chaînes de télévision ou qu’un service de VoD. L’autre principale conséquence serait d’instaurer des quotas sur les œuvres diffusées pour défendre la création hexagonale. Autant de règles dont ne veulent pas les plateformes de vidéos.