Une page de l’Histoire se tourne. Rudolf Brazda s’est éteint mercredi en Alsace, à l’âge de 98 ans. Il était le dernier survivant des "Triangles roses", persécutés par les nazis. Le crime de ces quelque 10.000 déportés : ils étaient homosexuels. Rudolf Brazda avait survécu à 32 mois passés au camp de concentration de Buchenwald, au centre de l’Allemagne.
Ceux qui l’ont côtoyé à la maison de retraite de Bantzenheim, dans le Haut-Rhin, où il est décédé, décrivent un homme secret, discret mais attachant. Né en 1913 en Saxe dans une famille tchèque, il voit son homosexualité comme une "disposition naturelle". Ce qui lui vaut des problèmes dès 1937, quand il est condamné à six mois de prison pour "débauche entre hommes". Expulsé d’Allemagne, il part ensuite en Tchécoslovaquie. Il est alors condamné une seconde fois pour le même motif, à quatorze mois de détention.
Aidé par un kapo
Une fois sa peine purgée, il est déporté. Rudolf Brazda est en effet considéré comme un récidiviste. Il arrive à Buchenwald le 8 août 1942 et n’en sort qu’à la libération du camp par les Américains en avril 1945. 32 mois durant lesquels il est témoin des sévices endurés par les détenus.
Sa survie, il la doit à "un peu plus de chance que les autres". Et à un kapo qui le cache dans la porcherie au moment des marches forcées lors de l’évacuation du camp par les SS en avril 1945, selon l’association les « Oublié-e-s » de la Mémoire. Libéré, il décide de ne pas retourner en Allemagne et s’installe en Alsace. Le drame des déportés pour homosexualité reste méconnu jusqu’aux années 80. Rudolf Brazda, lui, ne dévoile pas le motif de sa déportation.
Chevalier de la Légion d’honneur
Il ne sort du silence qu’en 2008, quand l’Allemagne, qui inaugure un monument en hommage aux Triangles roses, explique qu’il ne reste plus aucun témoin vivant du drame. Il est alors invité à Berlin, où il dépose une fleur au pied du mémorial en présence du maire de la ville. En 2010, il publie un livre relatant son expérience, Itinéraire d’un Triangle rose. Il participe également à des interventions dans les établissements scolaires.
En avril, l’ancien déporté est fait Chevalier de la Légion d’honneur. Quatre mois plus tard, il s’est éteint "paisiblement" dans son sommeil. Ses obsèques auront lieu lundi à Mulhouse. Conformément à son souhait, ses cendres seront déposées auprès de celles de son compagnon, décédé en 2003.