Le rapport. Les homosexuels auront-ils bientôt le droit de donner leur sang ? Le député socialiste Olivier Varan, auteur d'un rapport sur la filière du sang transmis à la ministre de la Santé Marisol Touraine, s'indigne de l'interdiction aujourd'hui en vigueur et prône un changement au plus vite. L'objectif : éviter des discriminations parmi les donneurs, tout en renforçant la sécurité des receveurs.
>>> D’où vient cette interdiction ? Est-elle encore légitime ? Que propose ce rapport ? A-t-il des chances d'être repris ? On décrypte.
Une réglementation qui date de 1983… Depuis une circulaire de 1983, les homosexuels (masculins) ont interdiction de donner leur sang. Tout donneur potentiel ayant eu ne serait-ce qu'une relation homosexuelle dans sa vie et le reconnaît lors de l'entretien médical qui précède le prélèvement se voit automatiquement interdit de donner son sang. La circulaire de 1983 reposait sur des statistiques selon lesquelles il y a une prévalence du virus du SIDA chez les homosexuels. Et sur le fait que le virus n'est pas toujours repéré par les tests dans les jours qui suivent la transmission (dite, période de "séroconversion").
… Et renforcé en 2009. Les gouvernements successifs ne se sont pas empressés d'enterrer cette circulaire, au contraire. Un arrêté de 2009 est venu préciser clairement les "contre-indications" (CI) excluant l'accès au don du sang. Y figure ainsi noir sur blanc le fait d'être un "homme ayant eu des rapports sexuels avec un homme". Et dans la case "risque ciblé" d'une telle contre-indication, on trouve "la transmission d'une infection virale". Pour les homosexuels, la contre-indication est même "permanente", contrairement à la relation sexuelle non protégée ou à la prise de drogue, où elle ne dure que quatre mois.
Les défenseurs des homosexuels vents debout. "Les arguments avancés à l'époque sont obsolètes. Depuis 1997, la contamination VIH est devenue majoritairement hétérosexuelle", s'était indigné SOS homophobie en 2006, au lancement d'une vaste campagne de communication. "Cette sélection ne tient pas compte des pratiques à risque. Les homosexuels sont d'office écartés du don du sang même s'ils sont séronégatifs et n'ont pas eu de pratique à risque alors qu'un hétérosexuel ayant eu des pratiques à risques sera seulement exclu temporairement du don (quatre mois après un rapport non protégé)", renchérissait l'association. Et de conclure : "seule l'honnêteté des donneurs peut empêcher la transmission de sang contaminé, un homosexuel comme un hétérosexuel peut très bien mentir lors du questionnaire médical".
Que propose le rapport ? Olivier Varan, l'auteur du document transmis à la ministre de la Santé, se range du côté des associations homosexuelles. Plutôt que de se focaliser sur "l'orientation sexuelle" du donneur, le rapport suggère de faire évoluer les questionnaires "vers le niveau de risque individuel du donneur". En clair, demander au donneur s'il a une pratique sexuelle à risque ou non. "Améliorer les questionnaires, c'est aussi renforcer la sécurité du patient. Il faut tenir compte de la pratique. Ce n'est pas parce que vous êtes homosexuel ou que vous avez eu il y a 30 ans une relation sexuelle avec un homme que vous êtes une bombe à retardement", a défendu le député sur France info. "L'éviction du don peut être perçue comme discriminatoire lorsque ce n'est pas fondé scientifiquement", renchérit-il.
Qu'en pense le gouvernement ? La ministre de la Santé fait le grand écart sur ce sujet. D'une part, elle regrette la discrimination. De l'autre, elle refuse de lever l'interdiction. "Je ne trouve pas normal qu'il y ait un élément de discrimination, pour autant je ne peux lever l'interdiction qui existe que si on me donne une garantie absolue que cela n'apportera pas plus de risques pour les transfusés. Aujourd'hui, je ne peux pas lever cette interdiction", avait-elle déclaré en décembre dernier. Ce qui inquiète la ministre, c'est que la proportion de contamination suite à une relation entre deux hommes est toujours élevée. En 2011, 40% des découvertes de séropositivité étaient dues à ce type de relations. Mais, comme le soulignent certains défenseurs des droits homosexuels, les statistiques sont réalisées principalement dans les milieux de la prostitution masculine, ou sur des lieux de rencontres sexuelles. De même, les gays fréquentent plus que les autres les Centres de dépistage anonyme et gratuit. Résultat : les statistiques sur les gays séropositifs augmentent. Autant d'incertitudes qui risquent de pousser la ministre à poursuivre son grand écart.