Le feuilleton de "l'affaire" Cahuzac

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RÉSUMÉ - Des révélations de Mediapart à la démission du Jérôme Cahuzac, retour sur l'affaire.

TOUS LES ÉLÉMENTS D'UN FEUILLETON. Un journal d'investigation, un soupçon de compte en Suisse, une enquête judiciaire et la démission d'un ministre du Budget impopulaire, symbole de la politique de rigueur d'un nouveau gouvernement socialiste. Retour sur le feuilleton de ce qu'il convient d'appeler "l'affaire Cahuzac", la première du quinquennat Hollande.

• ACTE I - Les révélations de Mediapart. Le 4 décembre dernier, Mediapart, le journal en ligne d'Edwy Plenel, publie un article intitulé "le compte en Suisse du ministre du budget Jérôme Cahuzac".  Dans cette enquête, le site, qui assure s'appuyer "sur de nombreux témoignages et des éléments documentaires probants", affirme que le ministre du budget a détenu pendant de longues années un compte bancaire non déclaré à l'UBS de Genève.

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© Capture d'écran - Mediapart

Toujours selon Mediapart, le compte incriminé aurait été clôturé par le ministre au début de l’année 2010, avant qu’il ne devienne président de la Commission des finances de l’Assemblée.  Les avoirs auraient été transférés vers l’agence UBS de Singapour via un complexe montage financier. Enfin le journal relate des propos de Jérome Cahuzac en 2000 lors d'une conversation avec un chargé d'affaire et "dont il existe une trace". Dans cet échange, le ministre évoquerait son compte en Suisse dans ces terme," ça me fait chier d'avoir ouvert un compte là-bas, UBS, c'est quand même pas la plus planquée des banques".

• ACTE II - Dans la presse ou l'hémicycle, Jérôme Cahuzac dément. Contacté par Mediapart avant même la publication de son enquête, Jérôme Cahuzac avait démenti formellement ces affirmations et prévenu  : "je n'ai pas de compte en Suisse et n'en n'ai jamais eu. Il est clair que si vous publiez ça, j'attaquerais". Un démenti réitéré via Twitter et par communiqué dès la publication de l'enquête, annonçant son intention de porter plainte pour diffamation.

Au lendemain de la publication de l'enquête, l'affaire s'invite à l'Assemblée. Le député UMP Daniel Fasquelle, s'adresse au ministre du Budget en ces termes : "est-il exact que vous avez eu un compte non-déclaré à l'Union des banques suisses de Genève pendant de longues années ?", demande le parlementaire.

Jérôme Cahuzac s'explique à l'Assemblée nationale :

Réponse de Jérôme Cahuzac : "Je déments catégoriquement les allégations contenues sur le site Mediapart. Je n'ai pas, je n'ai jamais eu de comptes à l'étranger, ni maintenant, ni avant". Et le ministre de confirmer qu'il avait porté plainte en diffamation. "C'est donc devant la justice que je m'expliquerai devant ces contradicteurs en attendant d'eux des éléments probants qui, à ce jour, font manifestement défaut".

 • ACTE III - Mediapart riposte en publiant un enregistrement. Le soir même, Mediapart publie l'enregistrement de la conversation initialement évoquée dans son enquête. Dans ce document sonore datant de 2000, un homme, présenté comme étant Jérôme Cahuzac, évoque au téléphone un compte qu'il aurait à la banque suisse UBS.  "Moi ce qui m'embête, c'est que j'ai toujours un compte ouvert à l'UBS mais il n'y a plus rien là-bas, non ? La seule façon de le fermer, c'est d'y aller. Ça me fait chier d'avoir un compte ouvert là-bas, l'UBS, ce n'est quand même pas forcément la plus planquée des banques", ajoute-t-il. Le député de Lot-et Garonne s'inquiète alors des répercussions possibles alors qu'il s'apprête à devenir maire "au mois de mars".

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© REUTERS

Les conditions dans lesquelles l'enregistrement a été réalisé sont rocambolesques. Après avoir appelé un correspondant sur un sujet tout autre, Jérôme Cahuzac l'aurait rappelé par erreur, alors qu'il était en pleine conversation avec un autre interlocuteur. La conversation avec ce dernier aurait alors été enregistrée par le répondeur téléphonique du premier correspondant, sans qu'aucun ne s'en rende compte.

• ACTE IV- Un ennemi politique et un ancien juge. Le 21 décembre, l'identité du détenteur de l'enregistrement est révélée : il s'agit de  Michel Gonelle, ancien élu RPR, qui a perdu la mairie de Villeneuve-sur-Lot au profit de Jérôme Cahuzac en 2001. Un enregistrement qu'il aurait déjà transmis par le passé à l'ancien juge Jean-Louis Bruguière. C'était avant le début de la campagne des élections législatives de 2007, au cours desquelles le magistrat s'est présenté, et a perdu, face à Jérôme Cahuzac.

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"Je n’ai jamais écouté le contenu du support audio que Michel Gonelle m’a remis en 2007. Je ne l’ai ni utilisé, ni conservé considérant ce type de procédé douteux, contestable, non éthique", a assuré Jean-Louis Bruguière qui assure avoir "détruit" l'enregistrement.

• ACTE V Mediapart demande une enquête au parquet. Le 27 décembre, le directeur de Mediapart, Edwy Plenel, écrit au Parquet de Paris. Dans sa lettre au procureur, publiée sur le site, il demande l'ouverture d'une enquête sur l'affaire Cahuzac.

Edwy Plenel a interpellé Nicolas Sarkozy dans un éditorial 930x620

"Tout en étant vivement démenties par Jérôme Cahuzac, nos informations ne font à ce stade l'objet d'aucune enquête judiciaire" visant à "satisfaire la vérité", écrit Edwy Plenel à François Molins.

• ACTE VI - La justice ouvre une enquête préliminaire. Dernier rebondissement en date, le parquet de Paris a annoncé mardi l'ouverture d'une enquête préliminaire pour "blanchiment de fraude fiscale", afin de vérifier si le ministre délégué au Budget a effectivement détenu un compte en Suisse.

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© REUTERS

Une décision saluée par Jérôme Cahuzac lui-même, assurant accueillir cette enquête  "avec satisfaction". "Cette démarche permettra, comme il l'a toujours affirmé, de démontrer sa complète innocence des accusations absurdes dont il fait l'objet", affirme un communiqué émanant du ministre. Retour sur le feuilleton de cette première affaire du quinquennat Hollande.

Si du côté de Mediapart, on salue également cette décision du procureur de Paris, Fabrice Arfi, le journaliste qui a "sorti" l'affaire a estimé sur Europe 1 qu'il ne s'agissait que d'une "moitié de bonne nouvelle" en regrettant que l'enquête soit "entre les mains d'un procureur de la République". Pour le journaliste, il y a ici un "pur conflit d'intérêt judiciaire" puisque "le procureur est un magistrat qui est soumis au pouvoir exécutif et qui enquête sur un membre de ce même pouvoir exécutif".

• ACTE VII - Le parquet demande l'ouverture d'une information judiciaire. Une enquête contre X des chefs de "blanchiment de fraude fiscale, perception par un membre d'une profession médicale d'avantages procurés par une entreprise dont les services ou les produits sont pris en charge par la sécurité sociale, blanchiment et recel de ce délit" doit être ouverte. C'est un juge indépendant qui va désormais mener l'instruction. Il devra vérifier l'authenticité et le contenu d'un enregistrement dans lequel un homme - dont la voix est attribuée à Jérôme Cahuzac - évoquait l'existence d'un compte qu'il aurait détenu auprès d'une banque suisse.

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© Philippe Wojazer / Reuters

• ACTE VIII - Jérôme Cahuzac démissionne. Le ministre du Budget renonce à ses fonctions "par respect pour le bon fonctionnement tant du gouvernement que de la justice" mais redit son innocence. Cette décision "ne change rien ni à mon innocence, ni au caractère calomniateur des accusations lancées contre moi", écrit-il dans un communiqué. Jérôme Cahuzac indique qu'il emploiera "désormais toute [son] énergie" à la démontrer.