L'INFO. Le généticien et militant de gauche Albert Jacquard est décédé mercredi soir à son domicile parisien, dans le VIe arrondissement, à l'âge de 87 ans, a annoncé jeudi son fils. Ce polytechnicien, né le 23 décembre 1925, qui était président d'honneur de l'association Droit au logement (DAL), a été emporté par une forme de leucémie, a-t-il précisé.
En avril 2012, Albert Jacquard était revenu au micro d'Europe 1 sur un terrible accident de voiture qu'il avait eu à l'âge de 9 ans et qui lui avait inspiré l'ouvrage Dans ma jeunesse. Cet accident avait bouleversé sa vie et sa vision de l'autre :
"Ne pas gâcher sa vie à des choses dérisoires". Issu d'une famille de la bonne société lyonnaise, Albert Jacquard est reçu à Polytechnique 20 ans plus tard et entre en 1951 à la Seita (société nationale qui fabrique tabac et allumettes) pour y travailler à la mise en place d'un des premiers systèmes informatiques. Après un bref passage au ministère de la Santé publique, il rejoint l'Institut national d'études démographiques (Ined) en 1962. Mais il approche de la quarantaine et "s'aperçoit qu'on n'est pas éternel et qu'on ne veut pas gâcher sa vie à des choses dérisoires".
Une carrière prestigieuse. Albert Jacquard part donc étudier la génétique des populations dans la prestigieuse université américaine de Stanford, puis revient à l'Ined et passe deux doctorats en génétique et biologie humaine dans la foulée. Parallèlement à l'enseignement et son travail d'expert à l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), il n'aura alors de cesse de démonter les arguments prétendument scientifiques des théories racistes et sera même témoin en 1987 au procès du nazi Klaus Barbie pour crimes contre l'humanité.
Un scientifique engagé. Ses premiers livres, comme "Eloge de la différence: la génétique et l'homme" (1978) rencontrent un grand succès qui ne se démentira pas, même quand il dérivera vers la philosophie, la vulgarisation scientifique ou l'humanisme anti-libéral. Car le Pr Jacquard n'aime pas le libéralisme et il sera d'ailleurs candidat aux législatives à Paris en 1986 sur une liste soutenue par divers mouvements de la gauche alternative, puis en 1999 sur la liste écologiste conduite par Daniel Cohn-Bendit.
Au service des démunis. Dans les années 1990, Albert Jacquard va mettre sa verve médiatique au service d'une autre cause: les mal-logés et les sans-papiers. Occupation d'un immeuble rue du Dragon en 1994, de l'Eglise Saint-Bernard en 1996... son visage de vieux faune grec devient vite aussi familier que celui de l'Abbé Pierre, Mgr Gaillot ou Emmanuelle Béart, ses compagnons de lutte. L'âge aidant, le président d'honneur du DAL s'était fait plus discret tout en continuant à soutenir les démunis et à pousser régulièrement des coups de gueule.