Le ministre de l'Intérieur Claude Guéant a obtenu gain de cause et même au-delà de ses espérances. Le tribunal des référés de Paris, saisi en référé, a ordonné vendredi aux fournisseurs français d'accès à l'Internet de bloquer l'accès, à partir du territoire français, du site Copwatch, qui fiche policiers et gendarmes au nom de la lutte contre les "violences policières".
Le ministre de l'Intérieur avait lui demandé la suppression d'une dizaine de pages qui permettaient d'accéder aux données personnelles concernant des gardiens de la paix. Mais les fournisseurs d'accès ayant plaidé à l'audience que cette mesure était techniquement impossible, le tribunal a décidé une mesure encore plus restrictive. Dans son jugement, le tribunal "fait injonction" à Free, France Telecom, SFR, Bouygues Telecom, Numericable et Darty Telecom "de mettre en oeuvre ou faire mettre en oeuvre, sans délai, toutes mesures propres à empêcher l'accès, à partir du territoire français et/ou par leurs abonnés situés sur ce territoire au site" Copwatch.
Le tribunal a jugé que le site était bien injurieux
Oeuvre d'un "collectif de citoyens souhaitant lutter par la transparence et l'information contre les violences policières", le site Internet Copwatch-Nord-Ile-de-France publie des photos de policiers et de gendarmes, parfois leurs noms, à qui il attribue des propos et auxquels il donne des appréciations. Le ministre de l'Intérieur et le syndicat de gardiens de la paix Alliance s'étaient émus de cette pratique. A l'audience de mercredi, ils avaient rappelé que l'un des 450 policiers rendus identifiables grâce à Copwatch avait récemment porté plainte après avoir reçu "une cartouche de chasse dans sa boîte aux lettres".
Le tribunal, présidé par Martine Provost-Lopin, a estimé que le site était bien injurieux. En effet, écrit-il, "les termes +la fosse commune de l'humanité, le charnier de l'évolution+ qui visent nommément +la Police et la Gendarmerie+ sont manifestement outrageants à leur égard". D'autres passages publiés sur le site évoquant la "torture" qu'exercerait la police contre les migrants sont en outre "diffamatoires", a jugé le tribunal. Enfin, en diffusant à leur insu les noms, les photos et les affectations de certains gendarmes ou policiers, le site "viole" la loi sur les données personnelles. Pour toutes ces raisons, le site "cause un dommage tant aux fonctionnaires de police qu'à l'administration".
Un blocage "jusqu'à ce que soit rendue une décision définitive"
Le blocage décidé par le tribunal devra être maintenu "jusqu'à ce que soit rendue une décision définitive statuant sur les deux plaintes déposées le 4 octobre 2011 par le ministre de l'Intérieur contre X pour injures et diffamation envers des fonctionnaires de police et l'administration". En revanche, il reviendra au ministre de "rembourser" aux fournisseurs d'accès "les coûts afférents à la mesure de blocage du site sur présentation par elle des factures correspondantes".
"Nous sommes très contents de cette décision", a immédiatement réagi l'avocate du syndicat Alliance, Me Delphine des Villettes, rappelant que les policiers étaient "très inquiets de cette menace qui pesait sur eux". "Je me réjouis de la décision de justice qui correspond à ce que demandait notre syndicat. Les magistrats ont parfaitement analysé la situation -ce site portant atteinte à l'intégrité des policiers- et pris le bonne décision. L'ensemble des policiers ne peuvent que s'en satisfaire", a de son côté réagi le secrétaire général du syndicat, Jean-Claude Delage. L'avocat de Claude Guéant, Me Benoît Chabert, n'a pas souhaiter commenter cette décision.
Le "copwatch" (littéralement, surveillance de flics) est une pratique lancée aux Etats-Unis par le mouvement des Black Panthers dans les années 1960.