L’info. La paperasse administrative vous a toujours angoissé ? Payer un avocat pour une simple dissolution de PACS vous ennuie ? Document-juridique.com entend en finir avec ces questions. Lancé officiellement mardi dernier, ce tout nouveau site propose des documents juridiques payants, rédigés par des avocats, comme une quittance de loyer, une lettre de démission ou un bail de location. Mais contrairement aux autres sites qui vendent des modèles juridiques statiques, document-juridique s’adapte à votre demande. Grâce à des algorithmes, le document se rédige sous vos yeux selon les cases que vous cochez. Pourtant, le site interroge : qui se cache derrière ? Et est-il fiable ?
Un chef d’entreprise aux commandes. Première surprise : le site n’a pas été créé par un avocat ou un juriste mais par un chef d’entreprise. Jérémie Eskenazi est le dirigeant de la société Miratech qui édite le site. Sa société conçoit et développe des sites pour les entreprises. Lancé en version beta depuis un mois, document-juridique fait la joie de son fondateur : “on a été très surpris du succès. Plus de 13.000 téléchargements en un mois... Les serveurs sont déjà tombés plusieurs fois”, assure-t-il à Europe 1. Jérémie Eskenazi sait bien que le site va faire grincer des dents les avocats : “on ne peut pas blâmer la réaction des avocats, c’est vrai que l’on divise pas mal…”
Ce que le site divise surtout, c’est le coût d’un document juridique : de 1,98 à 9,98 euros sur le site contre 150 à 500 euros chez un avocat. Pour ce prix-là, vous n’aurez évidemment pas de conseils juridiques. Pour autant, Jérémi Eskenazi espère que d’ici six mois à un an, les avocats du site pourront répondre aux questions des clients. “Mais cela ne sera pas notre activité principale”, tempère-t-il. “Nous voulons continuer à fond la numérisation du process juridique ou administratif”.
“Connaitre le nom des avocats”. Dans le camp d’en face, ce n’est pas le principe du site qui pose problème. Florian Borg, avocat au barreau de Lille et président du Syndicat des avocats de France, explique : “des sites qui vendent des documents juridiques, ça existe depuis longtemps. Nous, les avocats, ne sommes pas contre internet mais nous sommes favorables à plus de contrôle par les instances professionnelles de ces sites”. Et pour document-juridique.com, il existe bien un problème. “Les noms des avocats ne sont pas indiqués et pour des questions de responsabilité professionnelle, il faut connaître leur nom et leur parcours”, explique Florian Borg. “Ici, on nous fait croire que c’est des avocats derrière alors que ce n’est peut-être pas forcément le cas. On pourrait, je dis bien, on pourrait être dans la publicité mensongère”, poursuit-il.
Banques d’images et avocates qui se cachent. C’est là que le bât blesse justement. Sur la page d’accueil du site, est affichée une photo d’une avocate souriante avec cette légende: “Julie S. avocate, rédactrice”. Or cette photo, comme celles des témoignages de clients, est tirée d’une banque d’images. Comme l'ont bien remarqué plusieurs internautes sur Twitter :
@Maitre_Eolas@DocJuridique Quant à l'avocate sur le site : http://t.co/G1RpNdKFiO une banque d'image !— Grand Arbre (@arbre_grand) November 12, 2014
Alors, cette avocate existe-elle vraiment ? Document-juridique.com explique à Europe 1 que Julie S. travaille bien en tant qu’avocate pour le site mais tout comme l’autre avocate de la société, une certaine Natacha, elle ne souhaite pas associer son image et son nom au site. “Elles ont toutes les deux une activité libérale, elles veulent être référencées sur Google en tant qu’avocate libérale et non pour le site”, précise la société. Une situation qui pourrait pour autant valoir au site d’être attaqué. Seule la troisième personne qui rédige des documents pour le site accepte de se dévoiler. Philippe Dagognet est doctorant et titulaire d’un Master 2 en droit des activités numériques. Lui-même développeur, il rédige les algorithmes juridiques qui vont permettre au client de personnaliser son document : “je crois en l’automatisation du droit pour un grand nombre de choses qui ne nécessite pas un avocat. Sur certains documents, la situation de monopole des avocats n’a pas lieu d’être."
Le site comporte en plus une autre faille : son compte Twitter qui affiche 450 abonnés. Mais la majorité serait des faux comme l’ont repéré les internautes. 31% de ses abonnés seulement seraient des personnes réelles.
Malgré ces ratés, le succès du site prouve néanmoins une chose : les justiciables sont nombreux à demander des solutions juridiques beaucoup moins onéreuses qu’un avocat.