L'INFO. "Oui à la mutuelle pour tous. Non à la 'Marisol-taxe'", chantent mardi les "abeilles", lors d'une manifestation devant le Sénat, coiffées de leurs bonnets, jaunes cette fois. Dans le sillage des "pigeons", les "abeilles" rassemblent des salariés et des employeurs issus de compagnies d'assurance, de courtiers ou de mutuelles. Leur cible : un projet d'amendement au Budget de la Sécu 2014, qui prévoit de surtaxer les entreprises qui ne souscrivent pas à la mutuelle santé recommandée par les partenaires sociaux de leur branche. Une surtaxe susceptible de détruire 40.000 emplois, assurent les "abeilles".
>> Mais après les "pigeons", les "poussins", les "sardines" et les "cigognes", le message des "abeilles" ne risque-t-il pas de se perdre ? Décryptage.
Le combat des "abeilles". Le mouvement se bat contre un amendement prévu dans le Budget de la sécurité sociale 2014, en cours d'examen au Sénat. Le but de la mesure, proposée par la ministre de la Santé Marisol Touraine, est d'inciter toutes les entreprises d'un même secteur à prendre la même complémentaire Santé pour leurs salariés. Si les partenaires sociaux désignent une mutuelle, par exemple, pour le secteur du bâtiment, toutes les entreprises du secteur devront l'adopter, sous peine de voir leur taxe sur les contrats de complémentaires santé passer de 8 à 20%. L'exécutif a notamment choisi cette option pour éviter une concurrence accrue des mutuelles, et donc une surenchère des offres qui viendrait grever un peu plus les comptes de la Sécu. Mais ce choix a fait trembler les "abeilles".
"Petites travailleuses contre grandes machines". "Les petites compagnies d'assurance n'ont pas les moyens de couvrir tout un secteur. Les mutuelles vont perdre des clients qui avaient des contrats individualisés chez elles. C'est comme si l'on vous imposait de n'acheter que du pain chez Sodexo. Cela détruirait des milliers d'emplois chez les artisans", explique auprès d'Europe1.fr Valérie Guerend, porte-parole des "abeilles". "On s'est baptisé les abeilles parce qu'on représente les petites mains travailleuses qui font vivre la ruche. L'Etat, lui, veut imposer les grandes machines".
Les "abeilles" assument s'inscrire dans le sillage des "pigeons", ces entrepreneurs qui avaient réussi à faire reculer le gouvernement sur la taxation des plus-values. Tout comme eux, elles ont choisi un nom d'animal (volant) et se sont dotées d'une page Facebook. "On a crée notre mouvement à peu près au même moment qu'eux. Nous voulions un slogan sympa, ludique, avec une charte graphique reconnaissable", explique-t-on du côté de l'association, qui estime à environ 2.000 le nombre d'adhérents.
L'animal de trop ? Après les "poussins" (auto-entrepreneurs), les "sardines" (le mouvement de Rachida Dati opposé à la fermeture des voies sur berges, à Paris), ou encore les "cigognes" (sages-femmes), la jungle des mouvements sociaux n'est-elle pas surpeuplée ? "Les choses n'existent que lorsqu'elles ont un vrai nom, identifiable, avec pas plus de trois syllabes. C'est ça qui a fonctionné pour les 'pigeons'. Contrairement à ce que peuvent penser les 'poussins' ou les 'abeilles', ce n'est pas le fait d'avoir pris un nom d'animal qui a marché", décrypte pour Europe1.fr Marcel Botton, président de l'entreprise Nomen, spécialisée dans la création de "nom" des marques.
"Les 'bonnets rouges', par exemple (agriculteurs bretons), ont été plus originaux. Ils se sont décalés par rapport aux pigeons. En plus, ils ont trouvé une manière d'afficher des signes visibles de leur mouvement. Je ne serais pas étonné de voir, à l'avenir, les 'cravates vertes' ou les 'chaussettes bleues'", poursuit l'expert.
Un contexte ultra favorable. Marcel Botton n'enterre toutefois pas les "abeilles" tout de suite. "Cela reste un mot simple. Et puis se revendiquer des 'pigeons', rendre hommage aux anciens, n'est pas non plus une mauvaise idée", estime-t-il. Les abeilles, en tout cas, ont l'impression que leur miel prend de la consistance. "Des gens qui n'ont pas l'habitude de manifester vont venir devant le Sénat. Des cars ont même été affrétés en province. On est chaud", assure Valérie Guerend. Et de conclure : "avec tout ce qui se passe en France, en Bretagne, la grogne est en train de monter un peu partout. C'est le moment d'y aller, de se greffer au ras le bol. Nous sommes allées nous faire fabriquer nos bonnets chez une petite couturière. Nous sommes prêtes".